J 19
Perturbé Téléphone, SMS, messagerie et mails me tombent dessus à tour de bras, une avalanche de perturbation qui tente de me dérouter mais rien ne me détournera de l’objectif défini à la volée par cette radieuse après-midi : une Raphael Poirée en règle, du R jusqu’au deuxième E, sans raccourci, par le mur raide, le plateau, la neige molle et les bâtons qui s’enfoncent. Je réponds aux sollicitations urgentes et puis je coupe tout.
Pour la première fois de la saison je parcours les 21 kilomètres. Cette piste n’était pas accessible avant, le service des pistes ne l’avait pas damée mais c’était tout à fait normal, on était deux à skier. J’ai fait le tour en une heure trente. Ce n’est pas un record. Il faut bien avouer que je me suis laissé perturber par le soleil et les paysages somptueux que je n’ai pas aperçu depuis 6 jours avec mes séances nocturnes. Eblouie à la manière d’une chouette en plein jour, j’en avais presque du mal à situer la Pierra Menta !
Pour préparer ma défense à propos de ce chrono j’ai fait des photos. Des sapins, des décors, des horizons qui j’espère vous couperont le souffle. Ces petites pauses se sont imposées parce que je suis perturbé aussi par la fatigue accumulée depuis 19 jours. Physiquement ça va encore, mais l’insertion d’une séance de ski chaque jour dans mon travail réclame beaucoup d’énergie et d’anticipation, et le programme de demain qui s’annonce ultra chargé ne me donne pas des ailes.
La forêt pourrait être noire si je me laissais aller, la neige pourrait être de coton si je me laissais plonger, la séance pourrait être bâclée si je me laissais rentrer, le soleil qui monte pourrait être la lune si je me mettais à rêver.
J 20
Défouloir Une pluie d’étoile dans un ciel marine, quelques mèches échevelées de brume qui s’échappent au dessus d’une forêt glaciale et sauvage, le décor de ce soir est envoutant. Après une journée à chevaucher les rendez-vous manqués, à escalader les oppositions et les aprioris, l’exutoire est parfaitement à la hauteur.
Je suis parti avec du classique aux pieds et du RAP dans les oreilles. Donne moi le micro me demande IAM mais je n’ai pas l’intention de laisser ma part de tchache ce soir. J’ai la pêche. Certainement parce que j’ai joué carte sur table après le diner, j’ai tout avoué sur cette session nocturne absolument nécessaire à mon équilibre.
La digestion ne facilite pas la tâche mais je râpe et je mime leurs rimes de quelques puissantes postures pendant trois tours. Une heure, la tête dans la musique, les pieds dans les rails. J’aurais pu tourner une heure de plus mais j’avais prévenu que si je n’étais pas rentré avant 22H30 il fallait déclencher les secours ! Dans le temps qui m’était impartie, sans avoir à rentrer à pas de velours, en franchissant la porte je claironne haut et fort en disant « c’est moi, je suis rentré ». Dix minutes plus tard, même pas fatigué, je me suis posé dans le canapé, apaisé à mon tour.