Les 2 oreilles.
Tout le monde sait ce que veut dire l’expression « avoir deux pieds gauches ». On connait tous quelqu’un, malhabile quand il s’agit de mettre la balle au fond des filets, gauche quand il faut être adroit, suffisamment manche pour se cogner, pour trébucher sur la moindre anicroche. Figurez-vous que j’étais encore une fois sur les traces de ce maladroit par nature, recherchant les objets qu’il aurait perdu par mégarde sur les pistes de ski, traquant les articles égarés et dont chacun sait que je me fais un malin plaisir à leur faire recouvrer la mémoire.
Cette journée de printemps, je m’en souviens comme de mon premier confinement. La collecte avait démarré en fanfare avec, dès les premiers pas, un tuba de derrière les WC qu’un plombier mariole avait probablement jeté de son kart. Je récoltais ensuite des cymbales, celles qui sont numérotées et qui jalonnent ordinairement les pistes pour conduire les skieurs à bon port. Sûrement éliminées par le vote noir d’une tempête, elles avaient perdu leur course d’orientation et ne tenaient plus sur leur poteau. Suivi alors du menu fretin, polystyrène délité et bâches de chantier, laissés pour compte sur un tapis de rhododendrons après un round d’observation qui aura duré tout l’hiver.
M’offusquant du boom du plastique, je bourdonnais de piste en piste jusqu’à me retrouver sur celle de la Bergerie. Musique en tête, je n’étais plus à un décibel près quand, devant moi surgît un objet qu’un expert à Miami m’aurait surement envié : une oreillette d’airpod ! Sans bruit, à pas feutrés sur la neige, j’entrais comme le loup sur la scène de crime. Dans toute cette montagne encore enneigée, la probabilité de trouver ce minuscule objet sans fil, blanc de surcroît, était incalculable. Coup d’œil aux alentours pour vérifier qu’un chaperon rouge ne me tendait pas de piège et mon violon d’Ingres s’est mis en route. J’étais chevalier en mission pour élucider le mystère, Karadok et Perceval me voilà ! Vu l’inclinaison et les traces de cérumen côté Nord, il faut en conclure qu’il s’agit d’une oreillette gauche. Gisant pile poil dessous la ligne de télésiège, la suite du rébus est perpendiculaire mais un peu plus haut. Quelques traces de chamois tentent de faire diversion mais je ne suis pas dupe, ce modèle d’écouteur ne tient pas en place si on a des cornes ! Je m’amuse, 50 mètres plus tard, bim dans ta mouise, la deuxième oreillette surgissait !
Vous avez bien entendu, j’ai retrouvé deux oreillettes bluetooth d’airpod blanches dans l’immensité, photos et traces à l’appui. Bon, les tatillons du royaume remarqueront qu’elles sont toutes les deux pour le même côté mais cela veut juste dire qu’il faut trouver un gars qui a deux oreilles gauches et qui brouille les pistes en imitant les pas d’un chamois tout en partant vers le nord affublé d’une tête de mélomane sans cornes et sans coton tige.
Si on revient au postulat de départ sur les pieds gauches, le type que je cherche ne doit pas bien entendre, comprend ce qu’il veut, fait la sourde oreille au moment de la vaisselle. Je suppose que ce qui lui entre par une oreille ressort au même endroit mais il s’entend comme larron en foire pour faire l’apéro et n’écoute que le bon côté des choses. Inutile de répéter la question, vous connaissez certainement quelqu’un comme ça, alors, avant qu’il ne dorme sur ses deux oreilles, qu’il soit dénoncé sur le champ de neige.
Toujours en référence à Kaamelott, il n’a quand même pas d’bol le type, mettre au point une stratégie pareille et tomber sur un cerveau comme moi !