Alors j’ai Baugé.

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Alors j’ai Baugé.

Entre conditionnel présent et conditionnel passé de première forme, j’avais écrit en avance le scénario d’un(e)  troisième tome de mes escapades dans les Bauges. Fort du succès et de la renommée de mes deux précédentes virées, avec presque une centaine de « j’aime » par publication, j’imaginais une entrée en fanfare dans les rues de Grésy sur Isère jusqu'à la place de parking réservée à mon nom, devant la gare. Installé au guichet, on improviserait une  conférence de presse dans le hall de ce majestueux édifice devant tout le gratin journalistique Bauju qui me poserait des questions cruciales pour connaître mon parcours ou savoir quel est le parfum de ma Clif Barre du jour. On dirait que j’aurais un mobil home de footballeur à ma disposition pour me  préparer au plus beau Tour des Bauges de l’Ouest. J’aurais gardé mon vieux vélo mais une nouvelle tenue à l’effigie des Bauges, toujours en jaune car on ne change pas une couleur qui gagne, j’aurais des grosses cuisses comme quand j’étais skieur et j’aurais du souffle comme quand j’étais fondeur. Au départ, je serais porté par une ola de spectateurs admiratifs de mes chaussures neuves, un nouveau modèle spécialement fabriqué pour pouvoir faire du vélo cross à l’occasion. Après, des gens auraient écrit « vas-y Francky c’est bon bon bon » au col du Frêne pour m’encourager, ils auraient fait des ravitaillements avec de la tome et des saucissons dans chaque village et aussi des buvettes avec des fontaines d’eau au sirop de sureau. Il y aurait une camionnette chargée de Mars et de Prince tout neufs, qui me suivrait. Encore après, il y aurait une caravane publicitaire avec plein de panda 4X4 kaki, qui jetteraient des dés de Beaufort et aussi des bugnes. On dirait que la DDE serait en train de poser des panneaux pour indiquer le nouveau Col du PICCARD à la place du Col du LINDAR, elle aurait fait passer la balayeuse à gravillon dans tout le canton, elle débuterait des travaux pour la réhabilitation de la D32A. On dirait que j’aurais en ligne directe dans mon oreillette le président des Bauges pour demander que l’on arrête de me jeter des pokeballs parce que je ne suis pas Pikachu, il y aurait un bel arc en ciel qui irait d’une capitale à l’autre, de Lescheraines jusqu’au Chatelard. A la récré, tout le parc naturel s’arrêterait de respirer, même les animaux sauvages seraient au bord de la route pour m’applaudir et m’encourager. Des centaines d’internautes suivraient mon nouveau parcours en direct sur TV8 Mont Blanc.

Et après on dirait que des flashs infos sur BFM TV raconteraient ma progression avant que des milliers de followers ne décortiquent mon récit sur Facebook jusqu’à ce que la ministre de l’éducation nationale me contacte pour l’inscrire au programme de patois en maternelle deuxième année.  L’office du tourisme inaugurerait une statue au Col de Marocaz représentant un grand (on peut rêver) cycliste tourné vers la montagne, à ses pieds serait gravé ces quelques simples mots : Il est arrivé à pied par ici.

Et à la fin, après Cruet, des champs de tournesol me regarderaient enfin, l’éclairage public jouerait les cariocas en transes. Une horde de lièvres, tels des dauphins, m’accompagnerait sur la route des vins, des mains applaudissantes ouvriraient la route à toutes les fenêtres. Un compteur ultra moderne calculerait la dose de bonheur ressentie avant que je prenne une douche à l’arrivée, suivi d’un bain de foule en cyclokini et d’une séance de cris « ô thérapie » pour refroidir ma grosse tête. Je signerais des autographes sur des tomes millésimées, à la fin, on dirait à Coppola de faire un film qui s’appellerait « L’apocalypse d’Indiana Jones et le retour des envahisseurs vers le futur now ».

Hé ben si vous ne me croyez pas, je vous dis que, pour de vrai, le Col du Frêne, le Col de Plainpalais,  la montée de Thoiry, le retour par Puygros et le Col de Marocaz, c’était encore mieux que ça. Mais je ne vous le raconterai pas.

Sauf si vous insistez.