Au pays de Pantani, secundo

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Au pays de Pantani, secundo

Au pays de Pantani, secundo giorno. C’est une courte nuit de sommeil que j’ai passé à vouloir écrire mille choses, mais comme je ne pouvais décemment pas ouvrir mon ordi sans réveiller mes colocataires, j’espérais pouvoir m’en souvenir. Au réveil les cheveux tirent un peu mais le soleil est bien revenu comme c’était prévu. La seule ombre au tableau c’est que j’ai tout oublié. Malgré la fatigue et un léger mal de tête je pars donc petit déjeuner.

Difficile de faire light avec ce qui est présenté. Jambon, fromage, brioche, fruits, céréales. Pour la boisson, après le jus d’orange, je vais prendre mon traditionnel thé suivi d’un exceptionnel expresso. Le programme du jour est une escapade en bord de mer puis un retour dans les terres pour faire un repas de campagne au milieu des champs. Le service du linge a bien fonctionné et j’ai de beaux habits propres qui sentent bons, en revanche dans les chaussures il reste un soupçon d’humidité. Je les avais glissées sur les tuyaux de la chaufferie et cela n’a pas eu le résultat escompté. Sur les premiers kilomètres on longe une côte bien ordonnée. En partant de la mer, l’agencement se répète de la manière suivante : il y a une bande de sable, prolongée par des blocks de transats systématiquement affublés d’un parasol, suivi tous les cinquante mètres d’un restaurant de plage format paillotte de luxe avec parfois piscine et parc de jeux d’enfants intégrés. Jusque là on est toujours sur la plage. Après on enchaîne avec un cheminement piéton, puis une piste cyclable, un hôtel, une route, des résidences et des campings. La plaisanterie dure pendant 40 kilomètres, brassant plus d’un million de touristes en plein été ! Heureusement, la saison étant terminée, seuls quelques cyclistes viennent se prendre en photo sur le point dominant l’immense plage. On n’y a pas échappé, Venanzio devient paparazzi mais avant de nous conduire dans les terres, on prend un café en terrasse à Pesaro. Le trafic se calme et les routes se profilent en direction d’un paysage de Toscane digne d’un tableau de maître. La lumière est douce, les collines s’entremêlent et s’enlacent, débordantes de cultures, d’oliviers, de vignes et de fruits dans tous les sens. Sur les hauteurs, les petits villages dressent des campaniles, des cyprès et des églises sur l’ocre des tuiles et le blanc des façades. L’air n’est pas accablant et une brise souffle sur toutes les nuances vertes qui dominent l’espace. Des labours sillonnent en profondeur les parcelles d’une terre grasse et fertile pendant que ma musique rythme ma progression à vélo.

De ce côté là ce n’est pas mirobolant, mais comme le guide est le seul à connaître la route, il neutralise la course régulièrement, frustrant les costauds, rassurant les autres comme moi, scotché en fin de peloton avec la musique pour seule partenaire. On finit par se lâcher sur une grimpette pour arriver au coeur de Mondaino devant un majestueux édifice en arc de cercle à 180 degrés, tout droit sorti d’un livre d’architecture médiévale. Comme je suis revenu au premier plan, on attend les retardataires curieusement sans faire trop de railleries. Après quelques  photos on descend vers Saludecio mais dans ce dédale de petites routes, je perds le sens de l’orientation et je sens bien que l’on tourne en rond. Au sommet d’une nouvelle côte à 13% j’allais commencer à être un peu plus dubitatif sur le circuit et proférer quelques jurons italien libérateurs quand Venanzio à dit en stoppant le convoi qui ahanait : tranquillo per tout le monde, per mangiare, c’est ici. J’ai posé mon vélo contre un olivier et dégrafé mon casque pour respirer tranquillement. Plus un seul bruit transgressif ne venait me perturber. J’ai quitté mes chaussures et mes chaussettes pour marcher pieds nus dans ce gazon souple et frais et je me suis approché. Au centre, une immense table ronde remplie de victuailles nous attendait. Il était 14 heures et on avait un peu la dalle alors on a mangé. On a ouvert nos maillots et on commençait à être détendu en y allant franco sur le jambon de parme, la coppa, les parts de pizza, le Parmigiano et le Pecorino Sarde, quand deux cuisiniers sont arrivés avec un barbecue. Une odeur divine a envahi la grande villa où un banquet était installé. J’ai lutté, me brandissant la menace du cholestérol au dessus de la tête, mais je n’ai pas résisté à l’appel de ces petites piadine (galettes de pain cuites sur une plancha) sur lesquelles j’ai glissé de la Pancetta grillée. Une fois installé à table, des pâtes magnifiques sont arrivées suivies d’une viande, d’un gratin et de légumes toujours plus appétissants, mais au dessert je me suis ressaisi et j’ai été intraitable, je n’y ai pas touché. Il faut parfois être raisonnable et quand je dis non c’est non, par contre avec le café c’est oui. Il est 15h 30 et dans nos chaises longues il est difficile de quitter ce petit paradis. Il reste 15 kilomètres à faire et le train de sénateur contraste avec les fins d’étape endiablées de la BRV 2015. Je ne sais pas ce qui me retient de piquer un sprint, la digestion sans doute ! Puisque tout s’est bien déroulé, il n’y a pas de réunion ce soir. Chacun part dans son coin en position farniente. En attendant le buffet, je suis parti le long de la plage, un bouquin sous le bras. J’ai trouvé un banc et au soleil couchant je me suis mis à lire « en attendant bojangles ».