Cathar(e)sis Day Three

· 4 minutes de lecture
Cathar(e)sis Day Three

Cathar(e)sis Day Three

La brume rend le décor irréel au petit matin.  Elle est ciment entre les vieilles pierres, rideau en lisière de forêt, elle suinte sur le casque, dresse les poils sur les bras et engourdit l’esprit. Dans cet océan de gouttelette en suspension, le vague à l’âme persiste. Il faudra attendre un meilleur alignement avec le soleil et prendre de la hauteur pour leurs échapper. Justement la route s’élève vers Bugarach, le village sauvé de la fin du monde. Pourquoi ici, il n’y a rien ! Pas de vaches, pas de moutons, quelques bouts de champs cultivés et une montagne massive, immense, lourde. Le site est juste illuminé. Le calendrier Incas s’était trompé mais on y croise encore des Saviem conduits par des Jésus désenchantés, des caravanes d’un autre âge, des campings cars en mal de nettoyage, des 404 de rouille et de boue. Difficile de savoir ce qu’ils sont venus chercher. Tout comme lui. Il ne sait pas si il y a une raison profonde à cette Beaufortain Rando Vélo mais il s’anime du plus bel élan pour se retrouver. Les us et coutumes du groupe lui reviennent petit à petit en mémoire. Ah oui, c’est l’heure de la fameuse pause café… à peine parti ! Les délicieux gâteaux de Marie cuisinés avec amour et délicatesse, le pique nique préparé par les accompagnatrices, la bière du soir entre amis,  les bons mots de l’instant président, le ministère de la tradition qui veille au grain. Il y a surtout une règle d’or qui est de rigueur : le bashing de l’organisation. Il y a devoir à dénigrer le village organisateur sur le plus insignifiant des détails. Pingrerie pour un demi verre de vin rouge à table, scandale pour un manque de signalisation à un carrefour, gausserie pour un écart diététique, révolte pour un manque de respect des horaires, sanction pour la moindre improvisation. Et puis l’année suivante, par le miracle démocratique de la présidence tournante, on se retrouve organisateur à son tour et la délicieuse douche de critique tombe sur vos épaules ! Il ne se sent pas encore légitime pour entrer dans ce jeu et pour l’instant le village d’Arêches peut organiser tranquille, il a plaisir à monter, à descendre, à bouger, la compétition en fil conducteur même s’il n’y a rien à gagner. Les dentelles du château de Peyrepertuse se confondent de calcaire avec la ligne de crête, de vallon en vallée, les cols s’enchaînent comme des perles. Le Château de Queribus, la dernière sentinelle, regarde partir le groupe de joyeux drilles à travers les vignes de Maury. Le souvenir d’une bouteille de ce vignoble accompagnée d’un splendide roquefort fermier le plonge dans une douceur de vivre typique du Sud. La mnémotechnique lui déclenche même un fou rire sur des jeux de mot de plus en plus débiles, signe de son retour en forme : on fait Latour de France, on danse à Millas, c’est un dur à Thuir, descendre en Canohes, vas’y Polestre, Theza(rrivée) au Mas d’Huston texas ? non, à Canet plage ! Une petite chute à l’arrêt (merci les cales pieds qui ne s’ouvrent pas) et une crevaison en pleine ascension n’entameront plus son sourire, il s’ouvre enfin, il est bien ici. La fontaine de Millas coule d’une bonne eau fraîche. Le torse nu pour profiter du chaud soleil  et une boite de Mont Blanc praliné 3,5% de MG à la main, c’est l’extase. Il est temps de redescendre à la mer en file indienne. Pour le fun, ça relaie sur la grosse plaque, ça chasse à tous crins pour reprendre les expressions de bourrins. Finalement, le long de cette plage et au bout d’un sprint endiablé il obtient le plus beau des compliments : « t’es un bon suceur de roue ! ». Dix minutes plus tard il était à la mer, contemplant deux cerfs-volants qui dansaient dans le ciel quand il fût invité à partager une bière avec le groupe. Intégré, enfin à sa place, il pouvait être rassuré et laisser de côté ce schizophrénique  « il » pour passer à un « je » plus thérapeutique. Demain peut être. En attendant, il fallait s’y attendre après le couscous du premier soir, le cassoulet d’hier, ce soir c’est …entrecôte ! Après l’avoir tâtée du couteau la moquerie passe à table : si son souvenir ne sera pas impérissable, elle, le sera !

To be continued.