Klosters, Masters Paradise. 3/03

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Klosters, Masters Paradise. 3/03

Il a dit « 5 minutes au seuil dans un protocole de veille de course sur une séance d’une heure maximum pendant la reconnaissance » et c’est exactement ce que je suis en train de faire. Je me suis levé tôt, pris mon petit déjeuner au muesli et jambon, bien décidé à découvrir la piste de course et à appliquer la dernière séance du programme, celui qui m’obsède depuis 21 jours, depuis que j’ai décidé de suivre une préparation soit disant normale pour faire ce 3O kilomètres des championnats du monde master.

Si j’ai voulu un programme officiel, autre que celui sorti de mes élucubrations imaginaires, c’était d’abord pour voir si j’étais encore capable de m’astreindre à suivre un plan d’entraînement. Le deuxième souhait lié à ce programme c’était bien évidemment de faire mieux que l’année dernière, où je m’étais pointé avec la chance du débutant mais sans ambition à la onzième place. Enfin, le troisième volet qui m’intéressait dans cet entraînement c’était l’accès à une forme de refuge. Je m’explique. Depuis trois semaines, plus besoin de se poser de question sur telle ou telle séance, de tergiverser, d’hésiter, de procrastiner, la route était tracée dans le détail sur ce bout de papier repris dans une poubelle de recyclage et sur lequel j’avais écrit à la hâte les indications de base que me donnait par téléphone Monsieur Roland.C (En attendant mes résultats, il préfère rester anonyme !). Cette véritable carte au trésor toute chiffonnée et déchirée, pas plus grande qu’une moitié d’enveloppe, a débuté par un bloc de volume pantagruélique. 5 jours à raison de 2 à 3 heures de ski par jour, cela revient à dire que j’ai bouffé autant de kilomètres pendant cette phase que pendant 3 semaines habituelles ! Une fois avalé ce bloc de foie gras, je suis passé par toutes les phases de fatigue et de digestion difficile, mais des séances de récupération en style classique ont fait office de trou normand. Le plat de résistance est arrivé avec du fractionné et quelques séances de force, sauce lactique en diable, pour servir d’accompagnement. Perturbé par une météo capricieuse comme un vin trop jaune, j’ai troqué les dernières bouchées de rappels contre quelques tours de pédales sur le vélo d’appartement. Privé de dessert parce que je n’ai pas couru la Transju ni aucune course depuis 3 semaines, je sors de table avec les crocs et j’espère avoir droit au café crème en terminant demain sur une belle perf.

J’ai forcément un peu « interprété » l’histoire quand le boulot grignotait mon temps, j’ai aussi un peu tapé dans le gruyère Suisse et donné quelques petits coups de canifs dans le nombre de répétitions à faire. Je me suis également soigné par les plantes avec un test comparatif verveine contre gentiane, mais dans l’ensemble j’estime avoir réussi. Pas de regrets pour ces trois semaines de labeur mais j’aurais simplement dû me méfier de quelqu’un qui fait 250 kilomètres à sa première sortie vélo en plein mois de février et qui fait Paris Brest Paris non pas en train ni en pâtisserie mais en vélo ! Pour le moment on découvre un parcours véritablement magnifique, avec du plat, des relances, des montées pas trop longues, des descentes pas trop courtes et un retour vers le stade qui me fait déjà saliver. Les passerelles et les banderoles aux couleurs de DAVOS/KLOSTERS donnent un certain prestige à ce fond de vallée. Je rogne quelques boucles pour ne pas déborder du programme, je rejoins le reste du groupe, j’enchaîne par quelques montées au train pour, je cite mon mentor de l’entraînement : « débloquer le respiration », puis dégaine mon portable pour quelques clichés de vieilles granges retapées dans leur jus (mais avec des moyens financiers Suisse) et je rentre au QG. Dans une immense structure en lamellé-collé une organisation millimétrée me donne mon dossard en moins de deux minutes au milieu des 1200 inscrits sans un mot plus haut que l’autre. En sortant je remets des Francs Suisse dans le parcmètre et autour de quelques pâtes je m’informe de la météo. Ils annoncent une neige chaude, une belle perturbation pour demain après-midi et du vent, une donnée qui a toute son importance parce que le vent n’a été que très rarement mon ami.

Côté matériel, je ne suis plus dans l’improvisation ni à la merci du savoir d’un coach douteux qui avait délégué à tout va et m’avait conduit devant le premier Algeco venu pour faire farter ma paire de course. Cette fois, tout a été préparé à l’avance, avant hier dans les coulisses du magasin, et ça, ce n’était pas en Finlande que je pouvais le faire ! Une stratégie imparable a mis trois paires prêtes à skier dans ma housse pour faire le tour de la question : semelle blanche S3 pour le chaud, Premium S2 pour le tempéré et Xium S1 pour le froid. Ces derniers m’ont déjà servi pour la reconnaissance et je verrai demain matin entre les deux paires restantes. Le bus me ramène faire la sieste une petite heure et je me fais covoiturer pour revenir au briefing.

C’est assez drôle de voir toute la délégation écouter sagement notre maitre Monsieur Grindler présenter la situation et les consignes pour la dizaine de jours à venir. Sur les bancs de cette école, la maternelle débute à 30 ans et le CM2 à 70 ans, mais on rigole comme des gamins. Au fond de la salle je guette le coussin péteur et la bonne blague, moi aussi je veux vieillir comme ça. Pour la récré, on va voir la cérémonie d’ouverture qui ne restera pas dans les manuels, et, sans défilé ni yodles ni schwyzerörgeli, il faut rentrer à la cantoche parce que les pâtes et le goulasch sont servis. La traditionnelle bière calme un temps les aigreurs Finlandaises et le parfum de doute qui plane sur mes capacités. Malgré l’extinction des feux dans la chambrée, le téléfilm finira tard, tout comme la nuit.