Klosters masters Paradise. 2/03

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Klosters masters Paradise. 2/03

Des montagnes majestueuses avec des prairies bien rangées à leurs pieds, Des forêts malades d’avoir trop chauds et trop soifs comme chez nous, des lacs où y’a pas le feu, des petites maisons de bois sorties tout droit de mes jeux de construction d’enfant avec les volets rouges et les toitures vertes, pas de doute, je suis en Suisse.

Juste après Zurich je fais un crochet vers Rapperswill pour tenter de voir une personne resurgir de mon passé mais je ne reconnais plus la route. La dernière fois que je suis venu me perdre au pays d’Heidi c’était…il y a bien longtemps. Finalement, après avoir sorti deux mots d’Allemand pour trouver mon chemin, je tombe sur la porte close de son hôtel en hibernation et je ne verrai pas celui qui m’avait soigné ici pour mes genoux récalcitrants mais aussi au quotidien pour les jeux de Calgary. Avec ses mains chaudes et ses petits déjeuners à la viande des Grisons, Ewald avait rendu simple le fait de gagner.

Fataliste devant ces retrouvailles improbables je repars vers ma destination première, Klosters, à côté de Davos, dans le canton des Grisons, au bord de l’Autriche, du Liechenstein et de l’Italie. Là, où on appelle les montagnes Piz Quelque chose, on dirait la Tarentaise mais en plus large, en plus rural, en plus loin. Par plaisir, je fais cracher du Schwïtzerdeutch à la radio en essayant d’y reconnaître ces sons si particuliers qui ont bercé ma carrière de ski, mais je n’y trouve que des musiques bien comme il faut, à croire qu’ils ont troqués les « tralalaïtous » pour succomber eux aussi aux charmes de la pop anglaise. Sans la moindre trace de cor des alpes ou d’accordéon je débarque à l’hôtel, au milieu de ces championnats du monde de ski de fond masters version 2017.

Après l’édition 2016 en Finlande et les souvenirs omniprésents d’une immense découverte, je ne peux m’empêcher de faire une comparution immédiate. D’un loft, moderne et épuré au milieu de la forêt avec chambre individuelle, sauna et accès immédiat aux pistes de ski de fond, on passe à une chambre lit double lambrissée façon 1960, tout le confort sur le palier, en bordure de route, à 15 minutes du centre et des pistes de course. Pour venir, même si mon bus à des allures d’avion moyen-courrier, j’ai conduit durant 7 heures alors que l’année dernière je m’étais envolé pour Vuokatti en sirotant tranquillement un verre de Bordeaux en Business Class. En février 2016 j’avais pris un monumental bol d’air de 4 jours, alors que cette année mon programme est suffocant, coincé entre des impératifs économiques et une mission diplomatique à remplir dès mon retour, mais surtout, contrairement à mon expédition en Scandinavie, je suis seul.

Coach, celui qui avait animé mes choix de skis, contrôlé mon hydratation au houblon, partagé mes moments de rigolades et d’efforts, mon sparring-partner  de voyage, de récupération et d’étirement, mon couteau Suisse de la blagounette, mon harceleur de métal, ce complice parfaitement Finlando-Francophone, ce psychologue dans l’âme, cet avare de conseil, ce déserteur de sauna n’a pas trouvé mieux que de me poser un lapin, me laissant pauvre skieur alpin sans défense au milieu des Russes et des Kazakhs rouges et jaunes à petits pois.

Mais avant de lui jeter l’opprobre comme au figuré et salir sa réputation (petit double jeu de mot subtil), il est utile de vous dire que je ne l’avais pas vraiment invité. Dans une volonté de m’affirmer, j’ai fait cavalier seul il y a 30 jours en m’inscrivant via internet dans ces championnats. Par politesse, la veille du départ je lui ai demandé s’il voulait me suivre pour un périple qui devrait me conduire à 1000 kilomètres de là. J’ai argumenté que j’avais un budget très serré, que j’avais mûri depuis l’an dernier, que j’avais suivi un programme de préparation physique pendant 21 jours avec un autre coach… J’ai pensé qu’il allait mal le prendre, mais c’est passé. Par politesse et dans un éclat de rire, il m’a répondu qu’il avait du travail mais que sur un malentendu mon plan pouvait fonctionner.

Tout ce que je vois, c’est que pour l’instant, entre l’hôtel, la route et le programme, il y a 3/0 pour la version Finlandaise. Heureusement la télé parle français sur une chaîne et cela réduit la marque, mais je prends une contre-attaque quasiment dans la foulée parce qu’au moment de faire recharger mon portable je m’aperçois que les prises électriques nécessitent un adaptateur. En Finlande on avait la Wi-Fi fi à volonté et des prises au standard européen. 4 à 1, la balle au centre. Je ne suis pas loin de laisser filer le match avec un appel à un ami pour faire un rapatriement salutaire, mais il est 19h et c’est l’heure du repas.

J’y retrouve une partie de la délégation probablement dans le même état d’esprit si j’en juge le silence dans la salle. Après avoir commandé une bière et retrouvé de l’appétit au buffet des crudités, le bol de bouillon clair débarque sur la table avec les fameuses petites boulettes qui flottent au-dessus. Pas de doute, on est toujours en Suisse ! On est surtout très loin du saumon Gravlax, du renne mijoté et de l’atmosphère fraternelle entre les délégations qui régnait en Finlande, mais les frites et la côte de porc rassasient la mini troupe.

Le format XL de la bière me fait oublier le score calamiteux et je me dis qu’en ayant vécu une trop belle première fois en Scandinavie, il est normal de trouver ce début de championnat Helvète un peu fade. Mon colocataire vient d’arriver, j’englouti la tranche de napolitain maison, me glisse dans les discussions puis sous l’édredon et jusqu’en Laponie, fuyant sur mes souvenirs.