Engadine Dingue Dong 2/3

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Engadine Dingue Dong 2/3

Aïe, à première vue  le mauvais temps m’a rattrapé, il neige sur le lac majeur de St Moritz. Entre les rideaux, lunette sur le nez, le contraste est saisissant avec la météo que j’ai laissée hier soir. Une neige humide, trempée, brouillée. Par association d’idée, je prends rapidement la direction du petit déjeuner. Raisonnable, je laisse les œufs et le bacon pour préférer le muesli maison, un thé et des fruits, une parfaite répétition de ce que je mangerai demain matin.

Ceci étant fait, il sera inutile  de vous le répéter dans le troisième épisode. Cela n’a pas non plus beaucoup d’intérêt au récit mais le plafond de la salle donne l’illusion d’un ciel avec des branches d’arbre. Un ciel d’été qui n’a aucun sens en cette journée. C’est clair, ce n’est pas la chapelle Sixtine mais c’est pour mieux vous situer. Vous le devinez j’en suis sûr, je m’ennuie profond car je suis sensé attendre des instructions du team manager pour faire des tests de skis. Ce n’est pas que je sois tellement utile à la situation mais ils m’ont convié et c’est l’occasion de jouer mon rôle de parrain pour tous ces champions. Le téléphone reste muet alors je remonte patienter dans ma chambre devant la télé qui diffuse du ski alpin. Sur ma lancée je m’allonge dans une petite séance d’étirement qui se transforme inexorablement en sieste. Au retour de la pub, il faut me faire une raison, le plan a dû changer et je ne suis plus dedans !

Plein d’énergie, je m’équipe et pars à la conquête de cette piste, seul, comme un grand. Après avoir extirpé mon minivan du parking, je ne sais pas vers quel coin me diriger. Le trafic routier me conduit vers un poste en amont de St Moritz et quand je chausse enfin les skis, il est midi ! Juste pour prendre l’air, je remonte le cours du lac et me retrouve rapidement seul au milieu de nul part. Face au vent, suffocant et blême dans ces longueurs monotones, un banc sans complaisance me demande qu’est ce que je fous là. Dans sa petite structure de bois inébranlable il émerge à mi chemin entre Verlaine et Lamartine et sa question me laisse pantois. Faut-il que je sois sacrément motivé pour quitter ma famille et mon petit village en cette saison. Je me souviens de l’année dernière et la solitude me prend. Heureux qui comme moi a fait un beau voyage mais je ne peux que partager une photo de ce questionneur délicat tant il me renvoie loin de ma douceur Beaufortaine.

Mon protocole prévoyait quelques longues accélérations pour ouvrir la respiration mais je parviens tout juste à planter une vingtaine d’appuis dans une montée. Incapable de me faire violence, je cache mon souffle devant des futurs concurrents en émoi devant ma prestation, mais ma nostalgie ne pourra pas me faire sourire bien longtemps. De retour au bus, un Snickers me remonte le moral avant de rentrer à l’hôtel. Je saisis au passage, dans la coop très bien achalandée, un yaourt à boire et deux minuscules sandwichs que je m’empresse d’avaler.

Je ne sais pas si j’ai dormi mais la rediffusion de la deuxième manche à la télé est maintenant largement terminée et il est temps de s’inquiéter de ma paire de ski de course. Contre 3 francs j’ai pris la navette qui m’a emmené au QG de l’équipe où je me rassure car on est en train de farter mes skis. En voyant ces jolies fixations et la nouvelle sérigraphie je retrouve l’œil du tigre, à nouveau prêt pour relever mon objectif de l’hiver : rentrer dans les 200 premiers de ce marathon à ma portée. Pour ne pas se louper, on convient de se voir dans le box de départ vers 7H30 pour me donner cette paire que l’on finit de préparer.

Sur le chemin du retour, de nuit, à pied et sans un sou, je suis passé devant mon ancien hôtel. J’ai levé la tête et j’ai vu qu’il restait de la place, une chambre n’était pas allumée. Pas de conclusion hâtive mais c'est évident qu'ils ne voulaient pas me recevoir pour me casser le moral. C'est réussi. J’ai photographié la façade pour preuve et maugréé encore un peu avant de retrouver ma fameuse salle à manger pour le même menu qu'hier agrémenté d’une bière cette fois. J’ai abandonné le dessert pour la corvée du travail à distance en me disant que j’étais un magicien légèrement bizarre : j’étais en Suisse et je travaillais en France !

Après, j'ai mis en place mes habits de lumière, tout rangé mes affaires pour que le lendemain je n'ai plus qu'à bondir vers l'arrivée. Restait à savoir si j'allais dormir, avec toutes ces siestes accumulées dans la journée, j'avais quelques doutes.