Avec un titre aussi racoleur, je peux tenir trois jours. J’avais fait Engadine embedded en 2016 pour raconter l’histoire d’un dossard qu’il fallait sauver, Engadine by bus en 2017 pour plagier Bob Marley et son Babylon By Bus, cette année c’est celui-là, comme pour sonner un nouveau et dernier départ vers ce mythique haut lieu du skating mondial. Ce vendredi 9 mars avait commencé comme ça…
Normalement la météo est radicalement opposée quand on sort du tunnel, mais aujourd’hui il ne fait pas meilleur coté Italien, c’est le même ciel couvert de part et d’autre du Mont Blanc. Largement en avance sur l’horaire (il est 9h du matin), je descends tranquillement vers Aosta pour un périple qui va m’emmener à St Moritz et son gigantesque marathon de l’Engadine. Je ne suis pas pressé et c’est heureux car à la sortie d’un tunnel, la police est en train d’installer un radar ! C’est dingue, un radar sur une autoroute Italienne, mais où va t’on !? Après la météo grisâtre et mon timing de retraité, le 160 kilomètre heure sur l’autoroute c’est terminé. Ce n’est pas la seule surprise du jour puisque mis à part une berline dans les grandes lignes droites vers Milan, personne ne me double ! C’est même pire que ça puisque maintenant les Italiens freinent à l’approche des panneaux de surveillance électronique de la vitesse !
Toujours plus incroyable, il n’y a même plus de travaux qui gênent la circulation ! Je crois bien que depuis que je traverse cette plaine, depuis le fin fond des années 80, jamais je n’avais vu les 8 voies de cette autoroute dans un tel état. Toujours plus fort, je passe le péage et il n’y a même pas un petit bouchon ! Ni au tunnel, ni à Milan, ni à Lecco, une fluidité absolue tout au long de ce vendredi saint jusqu’à Chiavenna.
Rien ne ressemble à l’ordinaire, tous les codes sont rompus, pourtant, sans GPS ni hésitations, je me retrouve rapidement au pied de la montée vers St Moritz. C’est la troisième fois que je viens faire cette course et comme l’heure est au changement, je choisi de délaisser le traditionnel bar du Povero Diavolo où je buvais mon ristretto, pour un ristorante avec gnocchi de la Valtelina et un cappuccino divin. On m’offre le Wii Fi et bien que je n’avais nullement besoin de ce lien, par réflexe, je me connecte avant de reprendre la route.
Il est temps de rentrer en Suisse et de changer de musique. Le CD de The Kills (Blood Pressure) qui tournait en boucle depuis Flumet laisse sa place au Tra-la-la-i-tou. Au bout de 2 minutes, le bluetooth a pris la main pour une session plus rock. Comme je suis derrière un bus et que le ciel est bleu, en passant à Maloja, je vais flâner sur l'aire de départ et après quelques photos je me dis que je suis bien au paradis du ski de fond.
Arrivé encore trop tôt, le Schweizerhof m’accueille par défaut. Mon hôtel habituel n’avait plus de place mais je retrouve un semblant de repère avec cette déco grande époque. Moins authentique qu’au Soldanella, mais toujours dans l’esprit. Le défaut m’a fait monter en gamme et en prix ! Ici je tape le 4 étoiles et je suis à mon max. Je vous le dit, il n’y aura pas d’autre épisode à cette trilogie, il n’y aura pas de bonus, quel que soit le plaisir ou la volonté, j’ai plombé mon budget ski de fond pour plusieurs saisons ! Bon, d’accord la salle de bain est vraiment grande, mais quand même.
En place et désoeuvré je laisse mon minibus au voiturier qui lui trouve une place entre deux bijoux à quatre roues et je descends au village des sponsors pour récupérer mon dossard. Peu de monde pour me contester le numéro 606 à part un petit défaut de prononciation (sex oundeurt sex ? Ah ok, sechs¬hundert¬sechs !). Il m’a été désigné il y a 2 mois en même temps que la bonne nouvelle d’un départ en Elite A, le mieux que je puisse espérer au milieu des 15 000 coureurs de ce marathon. Patiemment acquis, ce départ presque aux premières loges est un aboutissement. Quel parcours depuis le 22054 de la classe populaire en 2016 et le 5478 en élite C de l’année dernière, deux chevauchées fantastiques qui me font espérer le meilleur pour cette édition, la cinquantième.
De retour en soirée, je passe à table. Le parquet de chevron tremble au passage des serveurs. Dans la grande salle à manger, une toile de 4 par 3 dénonce toute la misère des alpages helvètes au début du siècle en montrant une fermière mener un veau et une vache sur un chemin, la tête basse devant un horizon de montagnes. Pour reprendre le fil du temps je me nourris d’une soupe des grisons à l'orge presque aussi bonne que celle de l’an passée. Elle est suivie de raviolis à la truffe, moins familiers mais terriblement bons. Le service est irréprochable avec un verre de rouge typique de la Valtelina voisine. Le buffet de dessert complète savamment ce diner qui s’achève par un brin de travail à distance pour me donner bonne conscience et trois minutes de télé avant l’extinction des feux...