L’Appel contre appel dans l’affaire des p’tits cols.
Facebookiens, facebookiennes, cyclistes, cyclistes, draisiens, draisiennes, jurés, crachés, chers vous, cher moi, juges et parties (Pierre Desproges sort de ce corps), cher Saint Michel, véritable Chantal Thomass de la roue libre, Nous voici déjà en appel, prêt à dévoiler les dessous de cette affaire que la justesse kilométrique a propulsé à la une des tablettes lors d’une joyeuse veillée sur les réseaux sociaux. Par vos propos, vous, cher réducteur de grosse tête, aviez rogné mes kilomètres pour me laisser pantois devant mes cocottes en papier. Inutile de faire 33 tours mon cher frein à disque, j’avais immédiatement saisie la justice via Michelin qui m’avait débouté sur la distance. J’ai reconnu la musique et les faits en vous assurant cher roucoulement à bille, la garde de l’enfant et 20 kilomètres d’exagération.
Vous, cher cartésien du moyeu, aviez également renié ma moyenne et tiré à boulets rouges sur un splendide calcul mental de derrière les cageots, pour me laisser groggy devant mes chiffres rondouillards et optimistes. En galère pour défendre mon égo surdimensionné, j’avais alors, cher pignon fixe de l’équation, développé un argumentaire où j’avais retranché devant le ministère de la vieillesse de la fatigue et de l’effort, 30 minutes aux 180 initiales qui devinrent donc 150 pour accomplir 80 kilomètres, ce qui, avec une simple règle de trois cher postérieur à la peau de chamois, donne un beau 32 kilomètres par heure de moyenne. La démonstration m’avait d’ailleurs valu la relaxe et le beau sourire de la crémière.
J’ai rappelé les faits au public car vous fîtes ensuite une réponse magnanime qui vous honora chère danseuse étoile des neiges. En effet, dans cette bataille de chiffre qui s’enlisait et que j’avais mise en sommeil le temps d’une liberté conditionnelle en baie de Somme, vous m’aviez en quelques lignes émouvantes, quasiment signé une absolution. Mais, comme un cadre rigide, membre du parti faire un tour, campé derrière vos principes, cher calculateur précoce, à défaut de preuves matérielles vous souhaitiez faire une reconstitution à votre main, un simulacre d’ascension où vous seriez protégé par votre assistance, cher farfadet électrique, alors que moi, prêtant le flanc à la critique dans ce chemin de croix vers le mont Golgotha, je devrai cravacher tous mes poumons.
De retour de ce plat pays qui est le mien, il est donc temps de vous répondre chère pendule à l’heure.
Sachez tout d’abord que je ne suis pas opposé à cette méthode de comparution immédiate et que cela pourra même occasionner une séance tout à fait ludique notamment en troisième mi-temps où je vous sais diablement efficace. Cher redresseur de boyaux, je me serais volontiers immédiatement mis à la disposition de la justice cyclothymique pour batifoler sur les routes, cependant je dois vous prévenir que nous ne pourrions malheureusement tirer aucune conclusion de cette balade. Je m’explique.
Les reconstitutions ne reconstituent jamais rien car pour être juste mon cher Leblanc, il faudrait d’abord retrouver l’exact état de forme du moment. Par mon expérience de skieur alpin, j’ai vainement essayé de reproduire l’or olympique sans jamais y parvenir et pour répondre à la problématique « a t-il fait du 33,33 de moyenne ? » il faudrait que je perde aujourd'hui un état de forme difficilement acquis. Au risque de perturber fortement mon programme d’entraînement méticuleux, je devrais revenir comme un pauvre hère à mon travail et mettre en péril une saison d’hiver prometteuse, reprendre des kilos, fuir les 5 fruits et légumes par jour.
Même si je veux bien me sacrifier pour reprendre du Pommard 2008 cher perturbateur endoctriné, je devrais revenir à mon état d’esprit primesautier, pendant que vous, arpenteur de cols Italiens, avez crapahuté dans ces contrées lointaines pour inspirer et expirer, vous donnant l’occasion d’acquérir un état de forme splendide et une plume acerbe.
Cher sape-moral et patins couffins en céramique, sur cette première partie traitant de la reconstitution, je demande donc à la cour des comptes un ajournement pour nous retrouver à partir du printemps sur un pied d’égalité, vélo contre vélo et, afin de ne pas tirer de conclusions trop hâtives, nous débrancherons tout bracelet de probation en profitant pleinement de notre liberté. Ainsi, cher correspondant de la Pravda, sans compte rendu en 5 colonnes à la une ni de mouchard relayé par le Garmin today ou le Suunto time, je continuerai à me prendre pour quelqu’un d’autre sans m’entendre dire « vous êtes le maillon faible » par mon auditoire. Vous aurez l’unique occasion de vous montrer chevaleresque sans agiter le bras oscillant de la tromperie ni la datation au carbone 14 de chacune de mes expéditions, une sorte de jugement de Salomon sans faire le Rossignol si je puis me permettre un petit jeu de mot d'économie alpine.
Cher démasqueur de scandale en référence à Hubert-Felix, puisque la tribune est ouverte, je voudrais maintenant élargir la défense sur ce type de jurisprudence car depuis la nuit des temps elle n’est jamais venue en faveur des chasseurs et des pêcheurs, deux catégories de personnes particulièrement promptes à raconter la vérité. Dans cette affaire où j’ai failli en faire les frais, je me suis senti proche d’eux. Systématiquement jugés de menteurs, de mythos, de tartufes, pas une seule fois dans l’histoire ils n’ont eu le bénéfice du doute dans leurs aventures rocambolesques.
Je veux croire cher Tartarin de Tarascon qu’il est possible que je fisse du 33,33 de moyenne, que ce fût une sardine qui bouchât le port de Marseille jusqu'à ce que quelqu’un vînt la repousser à la mer et qu’il y eu bien une moto avec les phares allumés dans ce même port jusqu’à ce que quelqu’un ne vînt les éteindre. Cher lanceur d’alerte à Malibu, j’en appel finalement à votre professionnalisme qui a vu défilé devant vos comptoirs bon nombre de galéjades invérifiables pour déceler dans le marc de café un fond de vérité à la mienne. Cher Michel ange, chers pédaleurs d’appartements, chers suceurs de roues, chers démontes pneus de pacotilles, chères crevaisons lentes, chers freins à tambours et trompettes, chers raillerons X de la conversation, chers pédaliers de l’extrême, chers fesses dures de la selle, chers stakhanovistes du kilomètre, chers accélérateurs de pellicules, relaxez-moi, relaxez-vous, passons directement à la phase apéro et n’oublions pas que nous vivons une époque formidable.