Le petit Trianon 2/3

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Le petit Trianon 2/3

Le geste altier, dressé sur ses purs sangs, il suivit d’abord l’étiquette de ce sport, tout en finesse et en roulement. Le geste maîtrisé, le tronçon de chaussée relativement plat qui lui était proposé facilitait le démarrage, mais bientôt le sol fût martelé par le planter des pointes de tungstène qui avaient pris l’allure d’un galop sur les halages du bords de Seine. Bafouant les instructions, tel un skateur d’argent menant une chasse à cour à la poursuite de ses concurrents, tel le seigneur des anneaux (Olympiques), il dévalait à toute blinde, dépassant les buissons et les frênes, enchainait les tours et les virages dans cette arène, tout comme l’aurait fait Ben Hur au Puy du Fou ou le roi dans la forêt de Varennes.

Craignant que son coach ne surgisse des bois avec une pinte de champignon à la main, il ralenti un temps soit peu la cadence, mais à cette heure reculée chacun était rentré faire bombance et prélassement en attendant demain. Du haut de son carrosse, dans son legging de danse il ne croisa que nenni, ni la Du Barry ni personne. Pour échapper aux escarmouches de moustiques il continua de planter le macadam de ses banderilles, fît diligence pour ne pas rater le repas et en moins de trois, la fatigue était là.

Haletant et transpirant, il allait plier bagages pour se la couler douce dans un hammam ou devant un téléviseur, mais un peu torturé par ce goût d’inachevé, il fît volte face et força le destin en choisissant d’effectuer l’ultime volet de son programme enchanteur. Il aperçut 19H33 sur le tableau de bord, glissa les clés à peu près au même endroit que tout à l’heure et cette dernière demi-heure serait donc consacrée à une marche forcée, reprenant le chemin sylvestre que même ce cher Jean-Jacques Rousseau pourrait lui envier.

Fredonnant un air d’opéra, ses jambes de freluquet passèrent une dernière fois en revue toute les richesses de ce sentier pédestre, depuis les brindilles princesses jusqu’aux Saxifrages qui fleurissent en mai, des Canneberges à petits fruits jusqu’aux airelles des marais, remarquant que tous ces noms exotiques aux racines latines trouvaient parfaitement leur place dans ce jardin botanique. De caillebottis en frondaisons, il dépassa la cabane d’observation bien qu’il dût être de plus en plus attentionné sur l’endroit où il mettait les pieds. Sans plus de méfiance, il franchissait moins prestement les endroits scabreux et ralentissait maintenant sur les rondins de bois qui évitaient les trous d’eau. Il en connaissait chaque recoin mais devait forcer ses yeux pour voir au loin, en réalité il ne vît pas les pixels décliner et disparaître un à un de son écran. Pour satisfaire son programme d’une impérieuse nécessité, il rejoint malgré tout l’extrémité du sentier mais il n’avait pas calculé dans l'infinie science de son rang, qu’en cette saison la nuit tombe plus précocement. Il se vît dans cette fable du lièvre et de la tortue, jouant le rôle du lièvre à la vitesse de la tortue et, sans pause de soulagement, tenta d’échapper à son destin.

A mi-parcours, il jeta un œil distrait sur sa pierre de Rosette, une formation calcaire où mille pages bien compressées racontent l’histoire de cette terre depuis 1 millions d’années. Ordinairement il s’arrêtait ici pour déchiffrer l’histoire de la croute terrestre mais cette fois il s’engagea plus profondément dans les bois dans une retraite précipitée.

Là, rien n’était plus comme avant car la pénombre y avançait encore plus vite, devenant ombre parmi les ombres la nuit avait finit par le rattraper. Le gringalet continuait de dégringoler, il reconnut encore ce ponton où coule des mousses et des lichens à foison, mais derrière les bosquets et les tourbières, le chemin sinueux continuait toujours. Malgré leur nom d’étoile, les petites Andromèdes n’éclairaient pas son chemin et les hautes Laîches Pauciflores n’allumaient pas leurs fleurs de lampions pour le guider à la manière de petites ampoules LED sur la terrasse des estaminets. Sans aucune source de lumière, les pas devenaient hésitants et sa pensée commença à imaginer le pire.

à suivre encore une fois, même si l'heure est à la peine.