Et le huitième jour, comme il s’ennuyait un peu (car il n’y avait plus de neige), Dieu inventa l’écolo CrossFit Trail. Comment ça, vous ne connaissez pas l’écolo CrossFit trail ?! C’est une épreuve sportive, créée il y a tout juste 3 jours, qui associe un parcours de trail façon CrossFit avec une forte notion écologique. Si vous ne savez pas ce que c’est que le CrossFit je ne peux rien pour vous, mais pour les initiés de cette préparation physique à la mode je veux bien pousser le bouchon un peu plus loin et entrer dans l’explication sommaire d’une telle épreuve.
Si vous avez bien suivi nous sommes donc mercredi (puisque le huitième jour était un lundi) et l’idée comme dirait Valérie Damido, c’est d’effectuer un parcours (trail) avec des exercices (CrossFit) en ramassant absolument tous les déchets et détritus que vous rencontrerez (écolo). Une fois que vous savez ça vous savez presque tout. Il faut rajouter que ce sport se pratique sur tous les terrains, par tous les temps, qu’il existe une fédération nationale, la FFECT, dont je suis le président fondateur omnipotent et le seul membre actif pour l’instant, qu’il existe une fédération internationale, l’ INFECT, dont je suis le président fondateur omniscient et le seul membre actif habilité à récolter des fonds, qu'elle est domiciliée aux îles vierges naturellement, que les licences de pratiquant se vendent sur simple présentation d’une prise de conscience au prix d’un passage à l’acte. Comme un certain nombre de règles relativement complexes régissent dans le détail cette discipline, alors, amis écolocrossfritteuses, écoloprosfitteurs, ainsi nomme-t-on les participants de ces courses, je vous propose de me suivre en guise d’illustration dans un éCT (abréviation d’écolo Crossfit Trail) d’enfer que j’ai accompli dernièrement. Tout commence par un équipement standard, une paire de basket tout terrain pas forcément neuve, un short ou un leggin de saison en évitant les couleurs flashy qui pourraient vous valoir une disqualification pour atteinte à la quiétude des populations locales et qui risqueraient de vous confondre avec les adeptes d’autres sports. Il faut bien sûr un tee shirt, en étant en contact avec des détritus, celui que vous mettez pour votre chantier de terrassement fera parfaitement l’affaire et, à moins de prendre un carton jaune comme au football, il vous sera interdit de l’enlever en cas de victoire sur un pot de yaourt, le torse nu étant réprouvé par les bonnes mœurs de ce sport. La panoplie se complète souvent d’une veste légère, qui ne gêne pas aux entournures mais qui supporte la saleté. Enfin, prenez une paire de gants fins, mais pas trop, par exemple les gants de cuisine ne sont pas réglementaires. Chaussez le tout et glissez un sac poubelle dans la poche avant de déclencher le chronomètre en criant « éCT parti », il n’y a pas vraiment de temps à battre mais pour le principe c’est mieux. Petit aparté pour le sac poubelle : comme il faut absolument tout ramasser certains prennent de grands sacs de 100 litres mais la tendance actuelle va vers l’emploi de deux sacs, ce qui permet de faire une dépose en cours de route si la récolte est bonne. Comme le règlement a volontairement laissé un flou juridique à ce sujet, vous êtes libres de votre choix. Evidemment, il ne faut pas prendre la voiture ni aucun autre moyen de locomotion. Je vous rappelle qu’il est écrit écolo dans cette expérience et que même le vélo est banni de l’histoire (au travers de ce point de règlement on s’aperçoit que finalement le Père fondateur laisse apparaître qu’il n’aime pas trop le vélo). C’est ainsi que je suis parti de chez moi en courant pour un éCT bien de chez nous, en montagne avec parcours imposé. Je vous l’apprends, il existe des éCT libres et des éCT imposés, mais comme je suis occupé à vous expliquer les rudiments de cette aventure, je vous raconterai cela une autre fois. En même temps, ce n’est pas très compliqué : soit on va n’importe où (éCT libre), soit on suit quelque chose (éCT imposé). J’ai donc suivi scrupuleusement un chemin pour rejoindre le sommet des pistes de ski des Saisies du côté de la Légette. A mon seuil d’effort, je débutais à peine la montée quand, bingo, j’ai découvert une belle bouteille de bière vide sur le côté ! Comme un graal, je me suis empressé de la ramasser et c’est là le fondement même de cette tribulation. La suite est moins glorieuse puisque au moment de saisir le sac poubelle, ma main n’a rencontré que du vide et je me suis aperçu que j’avais laissé cet outil indispensable à la maison. Adaptation et réaction sont les mamelles du sportif, alors j’ai gardé en main mon premier trophée sous peine d’être disqualifié et j’ai misé sur une petite récolte pendant la grimpette en criant « éCT reparti » comme il faudra le faire à chaque récupération, le règlement est formel à ce sujet. L’ascension s’est poursuivie à travers bois et parfois dans la neige, mais sans jamais dévier du parcours. J’accumulais les déchets qui ne tenaient bientôt plus dans les mains et j’ai dû ruser pour faire un système de poupées russes afin d’être moins encombré. Canettes récentes ou vieilles, gobelets plastiques ou cartons, paquets de cigarettes vides ou pleins, paquets de mouchoirs propres ou sales, aucun objet visible ne doit être laissé sur le côté. Bien sûr il y a des exceptions telles que les choses biodégradables ou encore les encombrants comme les pneus et les plaques d’isolation, mais pour avoir le droit de les laisser sur place vous devez prendre une photo avec le hashtag correspondant : #ECTtroplourd, #ECTtropdur, #ECTtropgros, #ECTtropmou. A votre retour le jury sera seul juge de l’opportunité de l’excuse trouvée mais une chose est sûre, le #ECTtropdégueux ne sera pas accepté. Pour éviter le mélange des genres et tout accident, il faut également préciser que le ramassage des choses comestibles est prohibé et fera l’objet d’un autre programme d’entraînement. On pourrait suivre une double formation mais on ne peut pas prendre le risque évident de se tromper de sac et de devoir manger du plastique après avoir jeté des framboises ou des morilles ! Malgré les embuches et les névés qui tentaient de m’entraîner hors de la trace, je suis arrivé au sommet avec un pactole qui m’a permis de mettre cette première manche directement en éCT qualifié haut la main. Le temps de reprendre mon souffle, je me suis aperçu qu’un écoloprossfitteur (ou une écolocrossfritteuse) avait déjà validé son parcours puisqu’un petit tas d’ordures gisait au pied d’un poteau indicateur. Ce détail me permit de dire qu’il n’avait qu’un niveau très moyen de pratique car sa récolte était aux quatre vents et pouvait à nouveau s’éparpiller au moindre mauvais temps. J’ai pris le parti de dire que c’était un homme car une femme n’aurait certainement pas oublié de prendre le sac poubelle. Avant d’aller plus loin, je dis halte-là à toute les pensées féministes qui viennent de vous traverser l’esprit, associant le ménage et le sexe faible, pour vous confirmer que ce n’est pas misogyne de croire qu’une femme n‘aurait tout simplement pas oublié un élément aussi essentiel pour son sport. Dernière précision qui a son importance pour clore le chapitre, curieusement, l’oubli du sac n’est pas synonyme de disqualification, le règlement est formel à ce sujet.