S'il te plaît dessine moi la Finlande. Bip bip bip fait le réveil, il est l’heure de se mettre en route pour une autre planète. Bagages bien tassés, housse neuve rouge resplendissante, bâtons de rechanges au cas ou quelqu’un aurait l’indélicatesse de m’en casser un, la mise en route est traditionnelle. Café moulu, horaire de sécurité taille XXL, plan de vol en poche, routes dégagées et Subaru break pour nous mettre aux couleurs locales. Le coach a poussé le détail jusque dans le cardan de la voiture pour nous mettre en appétit. Ce vrombissement, cette trépidation, la radio qui crache plus qu’elle ne chante, c’est bien simple, on se croirait déjà dans l’avion et j’attends que le pilote me dise qu’à l’extérieur la température est de zéro degré Celcius avant de faire la démonstration du gilet de sauvetage ! Après vérification des portes opposées et désarmement des toboggans on prend l’autoroute, la vignette Suisse, le bouchon à la mode Genevoise (donc plus lent) et les interminables palabres pour enregistrer nos bagages sans supplément. Devant le comptoir, la marge horaire est entamée au delà du raisonnable, mais on attend un tout puissant coup de fil de la Finlande pour nous propulser en Scandinavie dans des sièges bien plus confortables et avec un véritable repas de business angels. On essaie de nous faire craquer en jouant la montre mais notre gentille hôtesse d’accueil ne sait pas que nous avons des nerfs d’aciers. Rompus à ce genre de voyage depuis notre passé de baroudeurs alpino-biathléto-fondeurs, nous restons stoïques. En plus, il y a les smartphones. Avant, on était vite à cran dans ce genre d’attente, mais maintenant on passe des appels importants, on écrit des mails urgents, on organise des navettes, on débouche des WC, on dépanne l’informatique, on contrôle la fréquentation et plein de choses dingues. Il y a un gars en Finlande qui doit voir nos visages impassibles avec son smartphone fabriqué là-bas, parce que, à moins de 10 minutes du décollage, dring dring fait le téléphone pour nous dire que tout est ok. Une carte prioritaire en poche, on passe le contrôle sécurité, coup d’œil rapide sur l’écran pour trouver la porte A 21, en mode furtif on file sur le tapis roulant et on embarque. Assis au cinquième rang notre mission ne commence pas mal. On monte sur les nuages, on discute du menu. Il est bien ce coach, il ne me fixe aucune barrière : pâtes, sauces, dessert à la crème, vin rouge. Le temps passe. Plus on s’enfonce vers le nord plus le carénage diminue. Dans un bel airbus tout clinquant jusqu’à Helsinki, on monte alors dans un bi moteur à hélice jusqu'à Kajaani pour finir dans un bus pour Vuokatti au cœur de la Finlande. Expédiés au delà du 64ième parallèle en 7 heures de voyage. Le temps aussi s’est rétréci. Une heure de perdue depuis Genève et il paraît que même le jour aurait tendance à disparaître sur cette planète. On nous raconte qu’il peut s’absenter pendant des semaines et c’est pour cela que tout est éclairé. Chemins, routes, magasins, tremplins, pistes de fond, d’alpin, cyclable, de bowling, de danse (à vérifier). Mon coach n’est même pas impressionné. Il est trop fort parce que à l’hôtel il sort un mot de finnois et on a la clé de notre chambre avec la carte pour les repas ! On fait un rapide tour du propriétaire pour découvrir deux chambres, une kitchenette, une salle de bain et même un sauna, mon sport favori ! Les bagages à terre, il est temps de partir manger et avec notre sens de l’orientation légendaire on a rapidement trouvé plein de couloirs. En suivant le flux des conversations de nos compatriotes et les odeurs familières de bouffe, la salle de restaurant nous a retrouvé. Pas si vite, les amis, le chemin du diner passe par la présentation de la délégation, le briefing des courses, les photos et une première salve d’anecdotes. Une petite voix me dit : s’il te plaît, Dessine moi un repas. Je n’en crois pas mes yeux, ils l’ont entendu aussi, à petits pas les histoires se déplacent et roulent vers le porche d’entrée. Encore le même mot magique pour s’annoncer et on à fait main basse sur le buffet ! Saumon à volonté, salade pour la bonne conscience, des patates et du renne pour le petit creux. Mon coach a peaufiné ma préparation avec des tartines de Krisprolls à la cannelle, sucre et chocolat, suivi pour notre bonne hydratation de trois bières locales. C’est à ce régime draconien que je vais devoir me soumettre pour les trois jours à venir mais pour le moment il faut faire une séance de récupération. Pour se dégourdir les jambes on prend la direction du centre ville, comprenez la recherche d’un endroit où il y aurait le début d’un embryon d’une activité un tout petit peu plus dense. Sans repère au bout de cinq minutes on se hasarde à demander notre chemin à la seule personne encore dehors à cette heure et à son chien. Il est 21 heures et apparemment ils ne sont pas trop du coin. Est-ce que c’est notre anglais des Vosges du Beaufortain ou nos deux profils finlandais qui n’ont pas plu, toujours est-il que tout le monde est parti sans un mot. D’abord le chien pas husky pour un sou, suivi par madame qui n’a rien compris du tout et devant tant d’adversité nous aussi on est rentré chez nous. Sous un pont on admire les tags écologiques gravés dans le givre et le dédale de couloirs commence à se simplifier pour aller dormir. Il sera temps demain de débuter notre mission de repérage des championnats du monde master de ski de fond, intra muros, in vivo et in situ, non ce n’est pas du finlandais mais du latin. S'il te plaît....Dessine moi un dossard.