Le Calendrier de l’AvEnt. Allez du courage, avant dernier round...
J 29 Intenable
Cette fois c’est à midi que je dégaine mes skis de fond. Dépannages, taxis, erreurs informatiques se sont enchaînés à un rythme effréné depuis ce matin et si je n’y prenais pas gare, avec ce qui m’attend cet après midi le défi aurait pu être en danger.
Au milieu de tout un imbroglio économico-diplomatico-journalistique, j’ai réussi à déjouer les pièges et me retrouve au pointage du domaine à 12h01. N’ayant pas beaucoup de temps pour cette disparition je me lance sur la Grande Aventure au pas de course, 11 kilomètres avec la ferme intention de me tester, de me faire cracher les poumons. Je n’avais jamais suivi ce parcours dans son intégralité. En fait, il descend vers le Lachat pratiquement au plus court versant Nord puis il remonte presque au plus court vers le poste de départ Versant Ouest.
Parti en puissance, je me lâche pour pointer au point bas en moins de 15 minutes. Les premières rampes du retour se passe au train et je ne m’inquiète que d’une seule chose : pourvu que le circuit ne m’amène pas jusqu’au plateau de la Palette ! Je guette les kilométrages sur les panneaux, contrôle la respiration et les jambes pour les maintenir à l’orange.
Ca y est, ça râpe un peu quand je bascule à la cabane de secours, mais comme je suis rassuré par le dernier panneau qui m’annonce le dernier kilomètre, je pousse encore. Histoire de vérifier ma forme, je repasse le contrôle et ressort immédiatement en faisant semblant d’avoir un coup de fil ! A la volée j’ai lu 12h37 sur le tourniquet.
Deux pensées me viennent immédiatement à l’esprit. D’abord mon caractère d’invisibilité devrait tenir jusqu’à mon retour, 40 minutes d’absences ne se remarquent pas forcément. La seconde pensée vise mon chrono. Il n’est pas exceptionnel mais la neige ne glissait pas beaucoup, j’avais la gourde pleine, les habits qui me gênaient, je n’ai pas farté depuis des plombes, j’ai mal dormi, pas assez mangé ce matin, trop mangé hier soir, levé trop tôt, fatigué par ce défi, stressé, trop pressé, trop de café, pas assez de café, trop motivé, pas assez motivé…
J 30 imperturbable
Imperméable à la météo qui fait tomber des cordes, imperturbable face à toute forme de lassitude ou de ras le bol, je me mets en marche vers 18h30 avec ma fameuse tenue de pluie, orange fluo.
La lampe frontale demande une petite tape amicale pour démarrer et je mets le cap vers les pistes. Contre toute attente les semelles neige froide glissent d’enfer sur cette neige détrempée, mais seulement à l’endroit où vient de passer la chenillette. Je poursuis donc cette trace fraîche qui m’emmène d’abord dans les méandres de la station puis vers le domaine nordique, mais une fois franchie le portique elle fait un virage à 180 degrés vers les pistes de ski alpin. Je tente un écart pour aller vers mon domaine de prédilection mais c’est tellement mauvais en dehors que je décide de suivre cette trace comme un fil d’Ariane, on verra bien où cela me mènera.
Avec mes skis on descend d’abord vers le bas des pistes en passant par le bâtiment des machines pour la neige de culture. Là, notre pilote de chenillette en herbe a fait deux longueurs avec le peigne bien à plat puis est reparti vers la plateforme des télésièges de Bisanne et du Chard du Beurre avant de remonter sur la piste des Périots. J’ai dit, j’y fais ! Je traverse deux fois la grenouillère puis attaque la montée jusqu’au pont skieur.
Malgré quelques brouillages de piste par les motoneiges je repère mon périple qui se poursuit vers le col de la Légette en empruntant la route qui mène au Benetton. Je dois me mettre sur le bas côté de la piste pour laisser passer les scooters qui rentrent déjà mais bientôt je n’entends plus que la forêt qui murmure. Dans la pente légère les gouttes d’eau me chuchotent des choses à l’oreille, des petits bruissements d’ailes qui me frôlent. Elles entonnent un clapotis qui glisse sur ma tenue encore étanche et se mettent à danser autour de moi comme les moustiques dans la lumière d’une chaude nuit de juillet.
Toujours imperturbable, je suis la chenillette qui dévie et m’emmène maintenant sous la piste de remontée du téléski des coqs. En ski alpin il est facile, mais en ski de fond le final est bien raide. Je viens de voir une compétition de ce type à la télévision et les champions ont dégusté à l’arrivée. Moi aussi, au sommet de mon Alpe Cermis j’ai beaucoup soufflé, deux minutes face au vent qui voulait me chasser.
Toujours à l’affût de ma trace, il ne me restait plus qu’à me laisser glisser vers la station, suivre la nuit et descendre dans la vallée, bercé par la musique de cette sortie extraordinaire, le songe d’une nuit d’été.