Le Calendrier de l’AvEnt. Voilà, mon délicieux calendrier se finit aujourd'hui.
J 31 Apothéose
J’ai mis les petits plats dans les grands, tenue de compétition, gourde d’eau, musique, sponsors, après 30 jours de défi j’ai enfin tout juste à l’exception des chaussures qui sèchent chère archiduchesse (rien à voir, c’est juste pour le fun de la prononciation !). Je prends la paire de l’année dernière et je me lance pour la dernière longueur de ce challenge. La piste est quasiment verglacée, je reste vigilant mais j’ai le temps de penser à tout ce que j’ai vécu pendant ces trente et un jours. Rien n’a été facile.
Dix fois j’ai failli abandonner par manque de conviction et j’ai dû me faire violence pour mettre un ski devant l’autre. Les excuses ne manquaient pas, j’avais les jambes fatiguées, la forme brisée, l’entrainement outragé, oui mais l’esprit libéré ! Vingt fois j’ai failli renoncer parce qu’il n’est pas facile de prendre le temps. Glisser un petit moment par jour rien que pour soi était une gageure vraiment difficile. Parce que ma vie est envahie par le boulot, j’ai dû me faire comprendre que ce moment d’équilibre, c’est prendre du recul, c’est exister.
Trente fois je me suis demandé à quoi tout cela servait. Il n’y avait rien à gagner, mais c’est justement parce que c’était inutile que je l’ai fait. Au début c’était un entraînement comme un autre et puis le défi a pris une autre dimension. Après les pépins médicaux de cet automne je voulais d’abord seulement retrouver la forme. J'ai alors skié avec plaisir comme si c'était la dernière fois mais j’ai trouvé bien plus que cela. Moral, confiance, fierté, les sentiments ne manquent pas pour qualifier ce que je ressens.
Certains auront trouvé ce défi futile et dérisoire mais pour moi, faire du sport, pour le plaisir, tous les jours pendant ce mois de décembre, était une vraie montagne à gravir. Pendant 30 ans cela a été mon boulot, j’avais le loisir et le devoir d’en faire à temps complet pour réussir. Et puis il a fallu raccroché. Terminé le monde qui tournait autour du ski, finie la pensée unique tournée vers la gagne. Dorénavant, le sport est un luxe que je veux bien m’offrir.
Avec l’écriture quotidienne de ce calendrier, j’ai sollicité également mes neurones et mon imaginaire, un autre défi tout aussi rocambolesque que l’épreuve physique. Partager ce moment presque intime aura été d’une richesse et d’une force incroyable, capable de me faire sortir skier coute que coute rien que pour le plaisir de vous le raconter.
Ces challenges se terminent aujourd’hui en apothéose avec cette impossible Montée des Champions, tout en haut du domaine nordique des Saisies, à quelques encablures de Bisanne.
Un dernier mur gravit en marchant pour mettre un point final à cette expérience. En face de moi, le Mont Blanc se couvre doucement, il est temps de rentrer pour refermer la dernière fenêtre de ce bizarroïde calendrier de l’avent, en vous disant tout au bout de 2017 : merci à tous et à l’année prochaine !
Bonus track du jour de l’an
Le phénomène de manque existe, je l’ai rencontré. Aguiché par 30 centimètres de poudreuse, j’ai voulu replonger le nez dans mes spatules pour un petit bonus dans cette pure poudre aux yeux. J’ai déneigé le minibus, cassé les glaçons qui bloquaient l’entrée du coffre pour m’emparer d’une tenue de ski de fond, j’ai débloqué la porte latérale comme un forcené et j’ai commencé fébrilement à enfiler un pantalon chaud. Dans la buée qui montait doucement à l’intérieur du véhicule, avec la peur d’être repéré, j’ai éteint la lumière du plafonnier mais au moment d’ouvrir le paquet de chaussures, comme je ne parvenais pas à saisir la tige du pied gauche, je me suis demandé si tout cela en valait bien la peine. Tâtonnant dans le noir, mes mains continuaient pourtant de s’allonger. Les épaules bloquées par la banquette arrière, mon bras cherchait vainement à l’aveugle et au toucher cette dernière chaussure.
Le visage enfoncé dans l'appui-tête, dans un deuxième éclair de lucidité très matérialiste, je me suis dit que les traces allaient être complètement cachées et que le défi était terminé. Avant de devenir le Scarface du ski nordique j’ai regardé la tempête au dehors et je me suis dit que la vérité était là. Même si parfois le plaisir passe par des moments de bravade, ce soir je vais me raviser et juste contempler.
Le ski de fond, j’arrête quand je veux !