Chimère aux Glières 6.

· 16 minutes de lecture
Chimère aux Glières 6.

Pour suivre pied à pied notre inspecteur du dimanche on le convoqua de bon matin pour un interrogatoire musclé. Largement inspiré par les manières du commandant Jourdan, cette journée d’instruction allait révéler la psychologie profonde du prévenu. Bien décidé à obtenir un flagrant délire, on le fît craquer en lui retirant son café. Contre toute attente, cette situation de manque déclencha chez lui une logorrhée verbale ininterrompue. Plus très loin de la bipolarité, pour une meilleure lecture de ses propres aveux, voici à l’état brut les minutes du greffier tirées de son monologue intérieur.9h. Le coup de fusil a résonné et tout le monde a pris la fuite.9h01. Dans la dispersion, je décide de faire une course d’attente en laissant les autres s’échapper.9h02. La vague des concurrents du 21 kil me revient déjà dessus. On est parti depuis 2 minutes et ils sont déjà là à faire les marioles avec leurs gros dossards.9h03. Un jeune vieux con comme moi me fait une queue de poisson. Fait gaffe tu marches sur ton short.9h04. Un autre jeune vieux con me skie sur les talons, ça commence bien ! Tu vas voir que le prochain va me péter un bâton !9h05. C’est dur cette première montée tous en troupeau, je passe sur le côté pour ne pas gêner.9h06. Regardez-moi ça, les premiers sont déjà redescendus tout en bas et moi j’ai le pouls à 160. C’est pas étonnant vu ton entrainement, la gentiane ça compte pas trop pour la caisse. Sauf si t’en bois beaucoup, tu vas prendre une bonne caisse !9h07. La glisse viendra plus tard pour le moment c’est pas la peine la neige est dure.9H08. Mais quand même, ça glisse moyen.9h09. Il faut que tu respires et c’est pas rien de le dire.9h10. Gaffe aux striures de chenillettes, ça prend les skis, on frôle à nouveau la gamelle.9H11. Au fond de Préchet, il y a une grande épingle à partir de là il n’y a que de la montée !9h12. Super, tout le monde est passé devant, fait à ton rythme.9h13. Putain ça va être long.9h14. Putain ça va être long si je dois énumérer tous ce qui se passe dans ma tête. En tous cas je suis mieux ici qu’en Ukraine. Je devrais écrire là-dessus. Je l’appelle M le maudit pour ne pas prononcer son nom. Dommage que ce soit si grave sinon y’a plein de punch line à faire. Genre il s’est offert une Marioupol dance. Comment reconnaitre du nucléaire nazi en trois obus. Le Donbass cours dans la gueule du loup. Le Donpapass, c’est du Russe arrangé. Au jeu des milles euros une question mer noire pour savoir qui a signé le pacte germano soviétique ? URSS, tout est dans le titre, Ukraine you crying, mais je vais me taire si je ne veux pas me faire flinguer.9h15. Ne pas se flinguer les jambes, surtout quand y’a rien dedans.9h16. Pour le cœur c’est déjà fait, ça va me prendre 10 bornes pour récupérer.9h17. Ca c’est jouissif, c’est des bons mouvements que t’as fait là mon gars.9h18. Des complices doublent sans un mot, ça promet une belle ambiance.9h19. Sans déconner, j’suis pourtant bon d’habitude dans ces portions genre faux plat montant.9h20.Whooo, elle a morflé la forêt ici aussi, pareil que chez nous, les scolytes se régalent ! Et pis là, à part y foutre le feu y’a plus rien à faire. Sec comme c’est ça risque de tout cramer, non, il devrait y avoir dans chaque commune une brigade rattachée aux garde forestiers qui ferait le ménage et qui couperait chaque fois qu’un arbre est attaqué. On pourrait faire du bois déchiqueté ce qui ferait un régal pour les oiseaux et enrichirait le sol ça serait pris en charge par les assurances avec l’obligation de replanter, non, on ferait une journée de l’arbre chaque année on irait tous planter un truc, ce serait comme un impôt mais pour de vrai, pas sur internet. Oui pour de vrai, avec les mains dans la terre pour se reconnecter à la nature, trouver un endroit où il soit bien, creuser un trou, le poser, arroser les racines, tasser la terre autour, le protéger. Et quand tu viens le voir l’année d’après avec ses petites feuilles t’es heureux. Les mecs y plantent un arbre sur internet mais si tu fais le bilan carbone de ce truc, entre l’énergie électrique, le stockage de ton info dans un data center en Islande pour une décennie. Le temps passé sur ton clavier avec la vue qui baisse, la bande passante de ton wifi, je me demande bien où est le bonheur. Pour moi y’a rien de plus gratifiant que de planter un arbre et y’a rien de plus naze que de le rendre virtuel.9h21. Coup d’œil au ravito, boire un coup. Pas de thé ? Pas eu le temps ? Tant pis, va pour l’eau froide. Très froide ! La vache, je vais y laisser mes dents.9h22. A tout à l’heure, mettez-moi un thé de côté, enfin si j’y arrive ! Tu te rends compte chaque année 63 millions d’arbres, ça c’est du vrai futur pour nos enfants, et même pour nous, pour notre santé, pour le climat. Dans sa vie un humain aurait fait naître une petite forêt, moi je ferais dans le tremble, j’adore ce type d’arbre avec les feuilles qui faseyent au moindre courant d’air. Et puis l’année d’après on recommencerait. C’est pas Balavoine qui chantait ça ?

Surpris par le ton très agressif de ses propos au début de l’interrogatoire et bien qu’il devenait plus philosophique dans son radotage, une pause fût prise. Jourdan pouvait se permettre n’importe quoi, ici on ne voulait pas avoir de retour de bâtons de la direction, une bavure pour l’inspecteur Labavure aurait fait les choux gras des gazettes nordiques. Toujours très promptes à remuer la neige elles auraient très vite relevé le subterfuge du café pour parvenir à nos fins. Et qui sait, peut être dénoncé des conditions d'écritures abusives auprès du masque et la plume. Il y avait une chaleur suffocante dans ce bureau. Pour le calmer on lui offrit un verre d’eau qu’il but d’une traite. Quasiment sous hypnose, les yeux révulsés et la coiffure en bataille, on lui ouvrit un peu la fenêtre pour qu’il reprenne ses esprits. Le suspect étant conciliant, une âme charitable lui donna un morceau de pain total.9h23. Je ne connais pas le parcours qui a été modifié à cause du manque de neige sur Les Cros.9h24. Saute le ruisseau ! Merde trop tard. Et un pied trempé.9h25. Ouf, on évite la montée des Mouilles pour l’instant.9h26. Ah oui on arrive au corridor où y’a plein de monde qui nous regarde.9h27.Heureusement ça bouchonne, dommage j’arrive même plus à faire le mec facile. Je sais pas combien on peut être sur cette course. 500, 600 ? C’est sûr qu’on est moins qu’avant mais ça fait du monde quand même.9h28. Yes, y’a quelqu’un qui m’a reconnu. Sûrement grâce au style !9h29. Impasse sur le ravito du monument ? Oui impasse, y’a du monde qui te colle au cul.9h30. Il faut descendre dans cette gorge profonde, dérapage contrôlé.9h31. Evidemment faut remonter, mais j’aime bien celle-là, elle est pas longue.9h32. Si je reste avec eux je vais me traîner, allez du courage, dégage d’ici.9h33. Parfait tout en douceur, mais maintenant faut pas faiblir sinon t’a l’air d’un con !9h34. Eeeeh, mais y’a du vent, c’est pas bon pour mon plan ça.9h35. Aïe, en plus on fait quand même la plaine de Dran avec toutes les bosses.9h36. C’est étroit et ça grimpe, comme c’est dommage je ne peux vraiment pas doubler, obligé de marquer le pas ahaha !9h37. Celle-là avec son dévers à chaque fois j’ai l’air d’un dahut mais je ne sais pas faire autrement, je ne sais pas comment ils font les autres ils ont l'air tellement bien.9h38. Me voilà à l’autre bout du plateau, c’est top, mais faudra pas en rajouter pour pouvoir terminer correctement.9h39. C’est ici le plus beau point de vue, regarde-moi ça, y’a absolument rien ! vivement le deuxième tour que j’en profite encore un peu. En fait il faudrait que l’on considère tous les sites comme historique pour échapper à l’urbanisation. On est quand même schizophrénique, les gens viennent pour voir ce magnifique vide, alors pour gagner plus on construit pour que d’autres gens viennent, mais pour ça on mange le magnifique vide, alors on pousse le vide plus loin, on construit encore plus, mais à un moment y’a plus de magnifique vide et c’est la merde ! En fait y faudrait juste dire stop, applaudir les maires qui refusent de céder, arrêter les terrains constructibles, donner une prime aux gars qui ne construisent pas, comme en Autriche, une prime à ceux qui entretiennent les espaces verts. Plutôt que de taxer le foncier non bâti on devrait donner de l’argent à ces gens là. 9h40. Ravito après la Chapelle. Boire ou conduire il faut choisir. C’est comme pour les allocations familiales, on devrait faire le contraire pour lutter contre la surpopulation, une prime pour ne pas avoir d’enfant. Pas facile de le prouver sauf à faire une vasectomie ou une ligature des trompes. Oui, pas sûr d’avoir beaucoup de candidats et puis c’est un sujet un peu polémique Victor ! Ahaha elle est marrante celle-là ! C’est une nouvelle qui jette un froid, ahaha elle est marrante aussi. Allez arrête ne perd pas le nord, bon on ne va pas explorer plus loin le sujet cher ami, c’est bon, j’ai compris, ne pousse pas le bouchon plus loin on va te taxer d'eugénisme. Si, je crois bien que ça s'appelle comme ça. Ben non, ça c'est quand on fait une sélection, mais si c'est volontaire c'est plus la même chose. Oui et non ça se discute comme disait mon prof de philo. En tous cas le mec il était bon quand même, tu imagines qu’en 73 il disait déjà qu’on était foutu avec la pollution.9h41. Il était bien ce thé, il y avait un truc dedans, mais j’sais pas quoi.9h42. De la pomme, mais pas que !9h43. Eh ouais, être skieur alpin ça a ses avantages en descente !9h44. J’te double et j’suis même pas à fond ! T’as sûrement pas la ref indestructibles.9h45. Redescendre dans cette gorge sans se faire attraper.9h46. Ménage ton genou et ton arrivé vers le monument, avoir fière allure c’est important.9h47. On dit que c’est un plateau mais y’a que des trous et des bosses en fait.9h48. Comme aux Saisies.9h49. Ouais mais c’est pas pareil.9h50. Quoi monsieur le contrôleur ? Oui, j’en bave et je me traîne comme un escargot ahaha !9h51. Ah ça c’est le moment d’euphorie, y’en a toujours un en course.9h52. D’habitude il arrive plus tard.9h53. Bon ben accélère si t’as des ailes, allez va chercher là-haut, va chercher, bon chien ça.9h54. Allez encore un groupe de mangé.9h55. Respire pas trop fort quand tu les doubles, ça fait classe.9h56. Le moment d’euphorie précède le moment de moins bien, tu le sais bien.9h57. Franchement j’m’en fout là, casseur d’ambiance, c’est bientôt le sommet et après c’est d’la descente.9h58. C’est que ça fait du bien de lâcher les chevaux. C’est vrai on est toujours sur la retenue, économie, ménager sa monture et tous ces préceptes à la con, des fois faut y aller à fond.9h59. Je dis adieu aux petites frappes qui font le 21.10h00. Je bois encore un thé et me pose une question : pourquoi ne pas avoir suivi les petites frappes ?10h01. Personne ne m’en aurait voulu.10h02. Si à la couleur du dossard, ils auraient vu !10H03. Et puis, tu te vois là devant le public jeter l’éponge ? 10h04. Non. 10h05. Bon je suis seul mais c’est sympa cette glisse.10h06. Regarde comme c’est cool, faux plat descendant, presque rien à faire.10h07. Ah ça c’est sûr, avec un profil comme ça, bien entraîné, ça doit être top.10h08. Dommage cette neige molle, obligé de pousser même en descente.10h09. Si je passe à l’intérieur des traces tu crois que ça me fait gagner combien par rapport à l’extérieur ?

Pendant que les mathématiciennes et mathématiciens eurent mis à profit cette petite coupure pour faire leur calcul, cette forme d’autopsie d’une course continua, révélant de pleins et de déliés, les hauts et les bas d’un électro encéphalogramme pas du tout plat, passant en revue ligne après ligne les failles et la force d’une époque. Jusqu’à son fondement.10h10. Si la piste faisait un cercle et que tu allais tout droit ce serait 3,14 fois plus court.10h11. Bon là ça compte pas, y’a pas de cercle, en plus j’ai failli tomber, heureusement y’a personne autour pour le remarquer.10h12. Course populaire mon cul, y’a vraiment plus personne aux alentours.10h15. Tu le sais depuis tout gamin que c’est pas fait pour toi le ski de fond, tu as fait alpin c’est pas pour rien.10h16. Ah problème, en général quand Gibello me passe, la forme trépasse.10h17. Pile au moment de la montée des Mouilles. J’espère qu’il n’e m’a pas filmé.10h18. Reste derrière, pas dans le champ de vision crétin, pour ne pas être reconnu.10h19. T’avais dit que t’en avais rien à faire d’être mauvais mais te battre tu as ça dans le sang.10h20. Bon ben là, c’est le moment de vérité. Il faut tenir les bras, relâcher les jambes, souffle à fond, gainage, relâchement, on oublie tout.10h21. Était-ce indispensable cette course de 42 kilomètres ? Elle prend des allures de chimère. Que poursuis-tu en définitive ? Un résultat, une reconnaissance ? Un monstre d’orgueil t’a poussé sur cette piste et il te laisse seul face à toi même. Tu es devenu une créature hybride, loin de ton sport premier et de ta pensée secondaire. Tes rêves et tes fantasmes te façonnent pour les porter au pinacle des réseaux sociaux. Tu raconteras de chair et de sang ce marathon mais perso, tu es à la poursuite de ta vie d’avant. Toi-même devenu chimère de ce lieu et de ce temps car la jeunesse, la gloire et la beauté ne peuvent être recouvrées. Cette épreuve régénératrice ne s’accomplie en réalité qu’au passage de la ligne d’arrivée, symbole d’une vie que l’on dit accomplie quand elle se finie. Le reste n’est qu’un long apprentissage, une méditation, une lente ascension vers ce qui sera ton sommet.10h22. Ça m’étonnerait que tu te rappelles de tout ça.10h23. T’as peut-être pas assez bouffé ce matin, ça expliquerait tout.10h24. J’ai osé lever la tête, au propre et au figuré, encore 100 mètres et c’est fini. La bienfaisance de cette course est vraiment dingue. Rose ou noir, tu continues d’y croire, des ressources continuent de me faire avancer.10h25. Ça passe vite quand on ne voit pas plus loin que ses skis.10h26. Plus jamais, tu m’entends, plus jamais, tu te mets dans cet état.10h27. Ça tu le dis à chaque fois.10h28. Il pensait à quoi le gars, faire une balade de santé, une promenade aux Glières ?10h29. Monsieur le contrôleur, non pas le 33 le 36 ! Moi c’est le 36, c’est pas de ma faute si celui de devant il a son dossard caché dessous son camel back, moi c’est le 36. Il faut noter.10h30. Je disais 33 pour le docteur, c’est pour rire, parce que ça va pas fort.10h31. Le plus grave c’est que je ne sais pas où on va, d’habitude là on descend, on tourne et on rentre sur l’arrivée mais on ne va pas faire ça.10H32. Whaa, les ornières qui y’a ici et en plus, glace à l’intérieur ! Va y avoir de la gamelle ici !10h33. En fait les ornières c’est parce qu’ils sont déjà passé, alors faut changer de ton et dire y’a dû y avoir de la gamelle ici. Comme quand on dit ça eu gagné, mais ça gagne plus.10h34. Faire bonne figure devant le monument et le ravito, faire croire que c’est facile.10h35. Putain encore cette gorge, tu paries qu’ils nous renvoient sur Dran. Dran, Dran, Duran Duran y’a qu’un pas. C’est drôle que j’écoute ça. Heureusement que personne ne le sait sur Facebook, mon identité de rocker invétéré en prendrait un coup. Bon, je leur ferai écouter et ils adoreraient « when you come undone ». Sans rire ça manque. La musique me manque, ça joue sur le rythme et le moral. Bon, j’ai bien des morceaux qui trottent dans la tête mais c’est pas pareil, la musique me fait oublier de penser, elle me transporte. Quand je serai mort, je crois que c’est écouter de la musique qui me manquera le plus !

La fatigue commençait à se faire sentir. Il semblait revivre ces moments avec tellement de force qu’on lui demanda s’il voulait continuer. Il fît oui de la tête. Même Jourdan aurait faibli. Bon ce n’est pas très visible au début du roman mais dans une sorte de no futur bien punk le commandant trouvait des moments pour redevenir humain. La lassitude gagnait aussi l’auditoire. Ils quittaient un à un le cercle d’enquête, prétextant un sanglier sur le feu, ou une fondue. Plus ouvertement, au départ ils n’étaient pas là pour lire un roman. Sans transition, on reprit.10h36. Au passage étroit : Salut, oui c’est moi et c’est pas la grande forme. Tant mieux pour toi tu as quasi fini, à toute.10h37. Allez cette fois applique toi, à fond sur la technique, ne pense qu’à ça.10h38. Allez cette fois à fond sur le souffle, ne pense qu’à ça.10h39. Avec le soleil qui tape dans ce trou la neige est mate, glisse proche du zéro.10h40. Il est planté le gars. En même temps ça monte, c’est un peu normal.10h41. Eh vous deux, on fait un bout de route ensemble ?10h42. Un relais please, si c’est possible juste avant la plaine et le vent de face !10h43. C’est la bonne nouvelle on ne va pas refaire la Québlette ! On ne va pas tout au fond ! On ne va pas tout au fond, on ne va pas tout au fond, merci, merci, j’aurais craqué.10h44. Ne lâche pas ses talons d’une semelle roule à l’économie d’énergie. Si vraiment tu voulais t’économiser fallait pas venir. T’aurais économisé le déplacement, la bagnole, l’inscription, les skis, les pistes, la neige, la station. T’aurais économisé ta santé. Oui et non, parce que j’aime bien ça en fait, donc c’est bon pour ma santé. Mais pour dire, pour faire ton Jancovici qui dit « on est un peu dans la merde », tu supprimerais quoi en premier ? Il faudrait trouver le truc le plus inutile qui soit au monde. Pour choisir on ferait un référendum avec un classement ATP mais au CO2. Tu imagines la contestation et le merdier, y’en a qui diraient le jet ski, d’autres les croisières, ou Netflix, ou les avions, les cigarettes, ou le tourisme, ou les bagnoles électriques, les boules à neige, le voisin ! Bon là on serait dans la délation mais chacun a sa petite idée. Vu ce qui se passe en ce moment, je suis sûr qu’y en a qui diraient le ski alors faudrait se méfier et faire du lobbying comme les pires. Encore pire, demain plus de Nutella parce que les gens ont dit que c’était nul à cause de l’huile de palme, na na na, ça rend obèse et tout et tout. Bon ça m’étonne vraiment que les gens votent ça.  Mais si jamais un gars vote contre les courses de ski de fond y va se faire souffler dans les bronches.10h45. Reste de ce côté, y’a moins de vent.10h46. Pas plus près sinon tu vas te prendre son ski.10h47. On n’est pas bien là, à l’abri.10h48. On a fait les 2/3 ou les ¾. Je dirais entre les deux mais c’est quoi les 3/5ième ou les 4/7ième. Le temps que tu cogites on aura fait les ¾ !10h49. Ces maths, ça a  toujours été un bon moyen de passer le temps. Cela n’a aucune espèce importance de savoir le résultat, mais juste imaginer la mécanique du calcul me garde en éveil.10h50. C’est drôle mais en fait ça n’a jamais vraiment bien glissé aujourd’hui. Pas nul mais pas top. Tchak n’y est pour rien c’est la neige, un peu sale, mate et détrempée, rien de tel pour ne pas avancer.10h51. Tu vois, le gars que tu viens de passer y glissait encore moins.10h52. Merde, si je me souviens bien, ça c’est les premiers symptômes des crampes qui arrivent.10h53. Module, molo sur les appuis, il faut juste arriver, laisse-le partir STP.10h54. Laisse-le partir celui-là aussi STP, j’ai dit LAISSE LE PARTIR STP !10h55. Dernier ravito, encore un thé ? Allez au point où on en est.10h56. C’est beau, c’est vraiment beau. C’est vraiment trop beau.10h57. C’est marrant, quand t’es fatigué t’es super ému.10h58. Ahaha, j’suis super fatigué alors j’suis super super ému d’être là !10h59. Dernière gorge, encore 5 bornes mon gars. On n’a jamais été aussi prêt de l’arrivée !11h. Au passage étroit : Salut, eh c’est pas large par ici, une sapinette nous sépare mais c’est pas le moment de la boire ! ça va toi ? Moi bof bof. Ouais à toute.11h01 Le pauvre, comme il est à la ramasse, il a encore tout le tour à faire.11h02 La vache, le gars tout à l’heure il a dû se dire la même chose pour moi !11h03. Bidon noir sur la piste, renoncer à ses principes ou pas ? Ecolo ou pas ?11h04. Pas le temps de ramasser, j’ai une course à finir.11h05. J’suis crevé, crevé, crevé. L’excuse du bidon, n’était pas bidon et aurait été super sympa à écrire, elle t’aurais permis de sortir la tête haute de ce bourbier de neige de soupe de m…., mais voilà t’as toujours un chrono dans la tête, faut toujours te mettre à l’envers, même quand tu pars tranquille t’es pas capable de tenir ta ligne ! La course, la course, la course !11h06. Han ! Han ! Han ! traduits par : Merci pour ces sincères encouragements qui me touchent beaucoup et qui me font très plaisir et dont j’avais très besoin pour grimper vers l’arrivée.11h07. Voilà la ligne, lever les bras pour la photo, pour se rendre à l’évidence. C’est fini, je ne l’ai pas volée celle-là. Oui excuse-moi, tu pourrais te la couler douce, devenir un vieux crouton, brasser du vent derrière ta télé, mais tu viens donner le meilleur de toi-même. Merci de te surpasser, de prendre des risques et de vivre des moments comme ça, tu peux être fier de toi.11h08. La pression tombe, j’suis léger, y’a rien dans la tête, rien dans les jambes, c’est l’extase et je veux rester comme ça pour un moment.11h09. Pain d’épice, thé, re-thé, re-re-thé, ouais j’ai pas super géré la boisson j’suis complètement déshydraté.11h10. Va t’allonger 5 minutes mon gars, j’aime bien être groggy mais faudrait pas tomber par terre.11h15. Allez, un p’tit tour pour décrasser les jambes, prends les skis mulets pour voir si ca glisse.11h25. Tu vois c’était pas les skis, t'es juste plus aussi bon qu'avant et c'est normal, mais ça je ne sais pas si tu vas le supporter.11h30. Oh putain que ça fait du bien d’être ici et dans cet état.