Une si longue marche, deuxième.

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Une si longue marche, deuxième.

L’intendance s’est mise en route. Le sac tabouret a été préparé en mode réflexe. Sans hésitation pour la tenue d’apparat, la tenue de froid et celle de course. Les gants en double, les tour-de-cou en triple, ne sachant plus à quel sponsor me dévouer, je restais plus mitigé pour le bonnet. Chaussures et chaussettes sèches, deux bouts de fart de retenue, un jogging pour le petit dej, claquettes, une trousse de toilette, onguents du diable, baume du tigre, lotion de grand-mère, Décramp en gélules, traditionnelle canette de redbull pour l’arrivée et c’est tout. Dans le sac à dos, papier d’identité, écouteurs pour la musique, l’ordi, on ne sait jamais s’il me prenait l’envie d’écrire ! Comme prévu nous serions 4 coureurs moniteurs et un accompagnant. Un groupe whatsapp fût créé pour l’occasion, et avec tout le sérieux qu’il faut pour ce genre d’épreuve, notre programme d’acclimatation durerait 4 jours. Le rendez-vous du départ fût fixé au jeudi à 14h, devant l’école, juste après les cours de ski sans prendre le temps de se changer, nous n’avons pas des métiers faciles !

La logistique de transport rappela les grandes manœuvres. Pour le hardware on fit un premier stop dans la plaine de beaufort. On récupéra dans un garage, les skis sagement rangés dans les housses, les bâtons plus ou moins longs, la forme de fartage (pour préparer les skis) et tout un impressionnant arsenal de fart en tout genre. Dans 3 mallettes cadenassées, du plus chaud au plus froid, par tube, par boite, en poudre, en pain, il y avait de quoi farter tout un régiment (et encore, on en a laissé plein la table !). On fit ensuite le ramassage scolaire, à Queige puis à Aiton, tout le monde était à l’heure pour la rentrée. Dans le bus le Team Saisies Marcialonga s’installa à travers l’Italie pour trouver le bon ravitaillement et la bonne sortie d’autoroute. Sur la banquette du fond, le travail tenta désespérément de me retenir avec ses imprimantes récalcitrantes et ses tickets restaurants périmés. Et puis les appels téléphoniques se firent de plus en plus distants, l’univers du quotidien se dissipa tel le brouillard dans la plaine du Po, et me permit de rejoindre enfin pleinement ce groupe.

On se connait très peu finalement. On se croise sur les pistes de ski de fond des Saisies, parfois sur les routes à vélo. Montagnards dans l’âme, ils sont plus ou moins jeunes et on a tous en commun la passion du nordique et de la pratique sportive en général. C’était suffisant pour me sentir bien. On ne se craint pas comme on dit par ici et j’espère que c’est réciproque. En tout cas, leur stratégie de la route sud pour éviter Milan a payé. Asti, Alessandria, Piacenza, puis remonter sur Brescia avec la pause pizza juste avant de rentrer dans la vallée du Brenner. Cool, ils savent où ils vont. En plus ils sont gourmands, très gourmands, pas regardant sur le Parmesan ou le tiramisu ! C’est toujours le risque avec des fondeurs, parfois c’est une religion avec 5 fruits et légumes par jour, qui ne tolère ni le sucre ni le gras ! Avec l’humour, les centres d’intérêts, la simplicité qui règne, tout cela augure de bons moments de vie à passer ensemble.

La nuit est tombée mais l’univers m’est familier, malgré les décennies qui se sont écoulées ! En ce temps-là, avec toutes les stations de skis aux alentours et l’Autriche à proximité, il ne se passait pas quinze jours sans que l’on visite les Pavezzi (restaurants autoroutiers Italiens) du coin. A l’époque c’étaient de grands paquebots qui enjambaient l’autoroute. Le gigantisme est passé, mais les méthodes de vente sont restées, notamment en nous faisant traverser tout l’espace de vente pour trouver la sortie ! Comme à l’époque, j’ai craqué pour deux Snikers* mais c’était surtout pour le plaisir de parler Italien. Arrivé à Trento, à peine sortis de la digestion des 4 fromages et de l’autoroute, on s’enfile dans une série d’épingle taillées dans la falaise pour rentrer dans la vallée recherchée jusqu’à Moena.

Là, regarde à droite la piste, là, regarde à gauche on y passe aussi au retour, en haut, en bas, ici on traverse sur le pont, ici ce n’est pas encore tracé mais faudra pousser sur les bâtons, là une montée, ici une descente, dans ce hameau y’a un virage serré où il faudra te méfier. Les infos fusent et je suis totalement déboussolé au propre comme au figuré. Je vois que c’est blanc dans la lumière des phares et ce n’est déjà pas mal vu la situation. Le froid givre toute la vitre et l’éclairage extérieur en mode économique noircit le tableau. Alors je me fais une idée, acquiesce du menton et me pose l’irrémédiable question : qu’es ce que tu es venu faire ici !? Pas de réponse, tant pis, Moena s’est endormi. On se glisse dans les petites rues pavées, dans les détours et les contresens que le parcours de course occasionne déjà, et l’hôtel sur les hauteurs nous accueille à bras ouverts.

On brasse un peu pour garer sur le parking en glace le très long bus gentiment mis à disposition par l’ESF, on rebrasse encore un peu pour les chambres sans savoir qui va avec qui, mais me voilà en compagnie de Baptiste pour ces trois jours. La porte s’ouvre sur un espace très correct avec une sorte de salon où on pose nos sacs sans se poser de question. Literie confortable, même si la tablette de nuit me parait bien près de l’oreiller. Petit tour en salle de bain, fermeture des volets de bois. Comme moi, Baptiste n’est pas un couche-tôt, mais après quelques paroles, extinction des feux quand même !

*Snickers est une marque commerciale de barre chocolatée issue de l'industrie agroalimentaire. La marque est la propriété du groupe nord-américain Mars Incorporated ; la confiserie est fabriquée dans ses usines. Cette confiserie est faite de l'assemblage d'un morceau de nougat couvert de cacahuètes grillées et de caramel, le tout enrobé de chocolat au lait. Snickers est la marque de barre chocolatée la plus vendue de tous les temps : ses ventes globales atteignent annuellement 2 milliards de dollars américains, contribuant ainsi à la fortune de la famille Mars et à la faillite de mon porte monnaie.