Vous avez un nouveau message.

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La quatrième sonnerie arrive et, sauf erreur indépendante de sa volonté, mon correspondant est occupé et il ne pourra pas répondre. Il faut donc se résoudre à parler au répondeur. La respiration sous contrôle, je patiente jusqu’au bip libérateur comme un sportif dans les starting blocks, tout en préparant le message que je veux faire passer.

Entre improvisation et mots clés, je visualise mon interlocuteur dans la scène de ce théâtre virtuel. Sur un style courtois et enjoué, son message d’accueil toujours un peu convenu ne me déstabilise pas et au signal sonore la parole est facile. Parfaitement connecté, tout y est. Le ton à la fois désinvolte et drôle correspond parfaitement à la situation. Le débit posé colle lui aussi au contexte, sans que mon interlocuteur ne doive réécouter ce message afin d’en comprendre le sens. La diction est parfaitement fluide, n’accroche sur aucune syllabe. La mâchoire décontractée, les mots sont bien articulés et je sais déjà que je n’aurais pas besoin d’appuyer sur dièse pour recommencer. Le volume de la voix contraste chaque intention, pointe légèrement vers l’ironie et vers la compassion, histoire d’apporter un supplément de vie à ces mots. Le texte est concis avec un développement digne de l’académie du message téléphonique, accueil, introduction, thèse, antithèse et synthèse puis conclusion, remerciements et signature.  Envoyé c’est pesé, le tout en moins de quinze secondes pour être écouté sans une baisse d’attention de sa part. Pas l’ombre d’un chochotement, d’un chuintement, d’un zozotement, d’un bégaiement. Pas de salive superflue susceptible d’engloutir un fond de phrase dans un déglutissement inopportun, pas de langue engourdie capable de vous faire fourcher sur une consonne, de vous donner un accent bizarre sur une voyelle. Le lapsus révélateur est resté dans son coin, le corps en mouvement a libéré la parole, de quelques pas décidés, je parcourais du regard le sol et les alentours mais, entièrement à mon affaire, rien ne m’a détourné de la bonne exécution de cette mission. Encore à l’aise avec mon expiration, en raccrochant je ne suis pas loin de crier un « YES » rageur et de faire le V de la victoire en exécutant la danse du Sioux heureux !

Quelques secondes passent quand la sonnerie retentit.

- Je te rappelle, j’ai vu que tu avais cherché à me joindre ?!

- Oui je t’ai appelé, tu as écouté mon message !?

- Non j’ai préféré te rappeler, tu voulais me dire quelque chose !?

- Oui, pas grave, je voulais te souhaiter un bon ANNIVERSAIRE !